Comment accroître la résilience des prairies face aux sécheresses?

Les sécheresses peuvent avoir des répercussions désastreuses sur le rendement des plantes fourragères, et ainsi entraîner d’importantes conséquences sur les performances et les finances de la ferme. Pour limiter les effets négatifs des prochains épisodes de manque d’eau et favoriser des rendements constants dans les prairies, certaines stratégies peuvent être considérées en amont.

Avec les changements climatiques attendus, ces phénomènes de sécheresse se produiront malheureusement plus fréquemment dans l’avenir. Selon les experts, même si la quantité de précipitations estivales ne devrait pas changer, les hausses de température augmenteront inévitablement l’évapotranspiration des plantes, ce qui accentuera leurs besoins en eau.

Dans ce contexte, assurer la résilience des prairies face aux sécheresses devient une préoccupation importante dans les décisions et les pratiques des producteurs de plantes fourragères. Des prairies productives, capables de résister à un manque d’eau et d’en récupérer rapidement, est-ce que ça se peut?

En intégrant les quelques stratégies suivantes aux pratiques de la ferme, on s’assurera de disposer de prairies mieux armées pour continuer à produire des fourrages de qualité en quantité, même après un coup bas de dame Nature.

Choisir des espèces de graminées plus tolérantes

Étant donné leur système racinaire superficiel, ce sont les graminées qui écopent le plus en situation de manque d’eau. Toutefois, la tolérance à la sécheresse et à la chaleur varie selon les différentes espèces de graminées. Dans le cas de la fléole des prés, on peut facilement le constater par le manque de regain durant la période estivale.

Une étude récente réalisée au Québec a révélé le potentiel de plusieurs espèces comme option de remplacement à notre graminée préférée. Les résultats présentés dans le tableau 1 démontrent qu’en association binaire avec la luzerne, le brome des prés, la fétuque élevée et la fétuque des prés ont des rendements et une valeur nutritive comparables au mélange traditionnel avec la fléole des prés. Ainsi, la production estimée de lait à l’hectare est semblable pour ces mélanges. De plus, ces trois graminées ont une meilleure tolérance à la sécheresse et à la chaleur. Dans une autre étude récente, on prédit même que la fétuque élevée sera celle qui s’adaptera le mieux aux changements climatiques attendus au Québec.

Les mélanges de ray-grass ou de festulolium avec de la luzerne n’ont quant à eux pas atteint des rendements suffisamment intéressants, probablement à cause d’une moins bonne survie à l’hiver.

Utiliser des mélanges fourragers complexes

Malgré sa plus faible tolérance aux périodes de sécheresse, la fléole des prés est encore une espèce performante et a sa place dans les mélanges. Afin d’accroître leur résilience, on peut toutefois ajouter une ou plusieurs espèces supplémentaires pour former ce qu’on appelle un mélange fourrager complexe. Le risque que plusieurs espèces ayant des caractéristiques différentes soient affectées par un même phénomène est plus faible. Autrement dit, cette stratégie est une police d’assurance contre les aléas climatiques!

Par ailleurs, une conférence tenue lors du Colloque sur les plantes fourragères 2020 a présenté les résultats d’une étude indiquant que plus un mélange fourrager est riche en espèces, plus le rendement est constant dans le temps. Par contre, un mélange composé d’un trop grand nombre d’espèces sera plus difficile à gérer. Selon les pratiques de régie adoptées, certaines espèces seront inévitablement favorisées au détriment des autres, ce qui les fera disparaître.

Semer un mélange comprenant de trois à cinq espèces représente un bon compromis. L’important, c’est de s’assurer que le mélange contienne des espèces compatibles entre elles. Celles-ci doivent entre autres avoir un rythme de croissance et une force de concurrence semblables. Pour les pâturages, il faut en plus s’assurer d’une sapidité similaire.

Diversifier ses cultures fourragères

Ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, voilà un adage qui résume bien cette stratégie! Une rotation diversifiée atténue la vulnérabilité face aux faiblesses d’une seule culture, ce qui diminue le risque de mauvaises récoltes. En plus des traditionnelles plantes fourragères pérennes, pourquoi ne pas semer des cultures annuelles plus résistantes à la chaleur, que ce soit en plante-abri ou en culture pure? Il n’est pas essentiel de posséder tout l’équipement nécessaire pour faire de l’ensilage de maïs : d’autres espèces annuelles résistantes à la chaleur peuvent être semées.

De plus en plus de producteurs se tournent vers les graminées annuelles de saison chaude, comme l’herbe du Soudan ou le millet japonais. Ces espèces offrent des rendements généreux et sont en général tolérantes à la sécheresse. Différentes plantes annuelles peuvent aussi être utilisées, comme le trèfle d’Alexandrie, une légumineuse ayant une bonne résistance à la sécheresse. Le choix final des cultures fourragères dépendra entre autres des conditions propres à votre région ainsi que de vos objectifs en termes de rendement et de qualité.

Favoriser le développement des racines

Dans une prairie résiliente face aux sécheresses, les plantes auront développé des racines vigoureuses afin d’aller chercher le maximum d’eau disponible. Pour favoriser le développement racinaire des plantes fourragères, il est notamment important d’assurer un égouttement de surface (et du sous-sol, si nécessaire) optimal, ce qui encouragera les plantes à développer leurs racines en profondeur. Une fertilisation adéquate est également fondamentale, car plusieurs éléments fertilisants jouent un rôle majeur dans le développement des racines.

Finalement, le chaulage des prairies demeure une pratique trop souvent négligée. Lorsque le pH du sol est trop bas, les éléments fertilisants sont moins disponibles pour les plantes. Investir dans la chaux pourrait même s’avérer plus rentable que l’achat d’engrais dans certaines situations. Afin de maximiser la fertilité des sols pour les plantes fourragères, on doit viser un pH de 6,5.

Des prairies plus résilientes pour une meilleure gestion du risque

Nul ne sait quand et où aura lieu la prochaine vague de sécheresse, mais on sait qu’elle viendra, et qu’il y en aura d’autres. C’est un risque réel que courent les entreprises agricoles d’aujourd’hui. Dans toute entreprise, la gestion des risques implique la mise en oeuvre de stratégies visant à leur faire face. Ainsi, un bon plan de gestion du risque de sécheresse passe par l’application de mesures pour accroître la résilience des prairies.

LE DÉFI EST LANCÉ!

Puisqu’il faut bien commencer quelque part, on vous lance le défi d’adopter au moins une de ces stratégies pour la prochaine saison :

  • Choisir des semences d’espèces plus tolérantes aux sécheresses
  • Semer un mélange fourrager complexe
  • Diversifier vos cultures fourragères
  • Vérifier/améliorer l’égouttement de surface
  • Fertiliser adéquatement
  • Chauler pour obtenir un pH de 6,5

Il peut être judicieux de commencer les essais sur une partie des superficies en fourrages. Au prochain manque d’eau, la différence pourrait être surprenante!

Quoi qu’il en soit, il est important d’évaluer tous les tenants et aboutissants du changement envisagé, dans le contexte global de l’entreprise. De bonnes discussions sont à prévoir avec d’autres producteurs et avec les conseillers de la ferme.

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Par Jean-Philippe Laroche, agr., M. Sc.
La valorisation des fourrages par les ruminants est un sujet particulièrement passionnant pour Jean-Philippe, qui a grandi sur une ferme laitière. Diplômé en agronomie de l’Université Laval en 2018 et membre de l’Ordre des agronomes, il a également complété une maîtrise en sciences animales, durant laquelle il a reçu plusieurs distinctions.