Point de vue d’un producteur sur la recherche

Certains pourraient dire que seul un agriculteur unique doté d’un vif intérêt à faire avancer l’industrie laitière accueillerait des chercheurs à sa ferme. JP Brouwer de Sunalta Farms est ce genre de personne, pratiquant l’agriculture avec ses trois frères et leurs parents à Ponoka en Alberta. Chaque frère est chargé d’un différent sous-ensemble de tâches, ce qui permet à JP de consacrer du temps et de l’énergie à des projets de recherche.

Sunalta Farms a commencé à contribuer et à collaborer avec des chercheurs il y a près de 15 ans, ayant maintenant participé à plus de 25 différents projets. Parmi ceux-ci, mentionnons le projet international
Efficient Dairy Genome Project (EDGP), le Resilient Dairy Genome Project (RDGP) et deux projets complémentaires financés en Alberta : « Application of Precision Technology for Resilient Cows: Enhancing the sustainability of Alberta’s dairy industry » (Application de la technologie de précision pour les vaches résilientes : améliorer la durabilité de l’industrie laitière de l’Alberta) financé par RDAR et « Application of Methane Sniffer Technology for Dairy Cattle » (Application de la technologie de renifleurs de méthane chez les bovins laitiers) financé par le Consortium de financement agricole et Alberta Milk. Pour chacun de ces projets, Lactanet a été le principal partenaire de l’industrie laitière.

Nous avons rencontré JP pour connaître sa perspective unique de la recherche et son engagement dans ces projets.

Q : Qu’est-ce qui a d’abord incité Sunalta Farms à contribuer à la recherche?

JP : La recherche est ce qui permet à notre industrie d’avancer, cela va de soi de s’y engager. Nous voulons moins de maladies, plus de production, plus d’efficacité, une meilleure incorporation de l’innovation et de la technologie, et la recherche est la façon de voir cela se réaliser.

J’aime voir des progrès, faire partie de projets et m’engager auprès de chercheurs. Non seulement nous en apprenons davantage sur les lacunes et les forces de notre ferme, mais nous avons aussi l’impression d’aider l’industrie à avancer dans son ensemble. C’est un sentiment agréable; sentir qu’on aide la communauté laitière. Il est aussi très intéressant de travailler avec des chercheurs, certains ont de bonnes idées, mais ils sont déconnectés de l’agriculture commerciale et ils doivent bâtir cette connexion à la ferme pour obtenir un résultat significatif.

Q : Parlez-nous de votre participation au Efficient Dairy Genome Project et au Resilient Dairy Genome Project. Quel équipement a été installé et quelles adaptations ont été nécessaires?

JP : Nous avons été approchés en 2015 pour participer au EDGP, un projet visant à améliorer l’efficience alimentaire et à réduire les émissions de méthane des bovins laitiers. À ce moment-là, nous étions sur le point de construire une nouvelle étable et nous avons donc été en mesure d’adapter nos installations au projet. Nous avons travaillé avec GrowSafe pour créer plusieurs prototypes avant l’installation de 200 mangeoires utilisées pour collecter les données quotidiennes d’ingestion alimentaire. Des balances ont aussi été installées dans les abreuvoirs pour mesurer les poids corporels partiels sur une base quotidienne. Aucune adaptation n’a été nécessaire et nous avons utilisé les mêmes plans que pour notre étable précédente.

En 2020, GrowSafe a subi un changement de propriétaire qui a rendu l’entente de collecte et de partage de données insoutenable pour toutes les parties. Lactanet est intervenu avec un investissement important et le système de mangeoires a été remplacé par 100 nouvelles mangeoires Hokofarm – une mangeoire pour deux vaches. Une balance de passage Datamars a aussi été installée pour mesurer le poids corporel individuel des vaches lorsqu’elles quittent la salle de traite. Cela a été partiellement financé par RDAR, le Consortium de financement agricole et Alberta Milk. Encore une fois, des adaptations minimes ont été nécessaires pour cette installation. Les vaches, ainsi que nos pratiques quotidiennes, se sont bien ajustées.
Surmonter une adaptation nécessaire semble, à mon avis, avoir plus à voir avec la volonté de faire fonctionner le tout qu’avoir réellement des obstacles insurmontables. Nous avons dû retirer certains cornadis dans l’étable et penser à différentes façons de contenir nos vaches pour les examens vétérinaires, mais un peu de réflexion crée des solutions, et nous avons rapidement été en mesure de nous adapter et de continuer avec un impact raisonnablement faible sur nos activités quotidiennes. Le fait que l’augmentation des coûts de main-d’œuvre ait été compensée par les projets de recherche a aidé, puisqu’il a été reconnu que certaines de ces adaptations exigent plus de temps.

Dans l’ensemble, nous avons aimé participer à un projet qui fait avancer l’industrie et nous sommes fiers de voir l’efficience alimentaire aller de l’avant. Cela nous aide tous, en tant que producteurs laitiers dans le monde entier, quand nous pouvons promouvoir un impact environnemental moins élevé et une production plus efficace, et mettre de la nourriture sur les tables.

Découvrez en vidéo le système RIC2Discover du groupe Hokofarm chez Sunalta Farms : 


Q : Quels sont les avantages associés à la recherche commerciale?

JP : Les principaux avantages sont l’augmentation des données à la ferme pour prendre des décisions ainsi que la hausse de la vitesse et de la profondeur de l’adoption de nouvelles et meilleures pratiques de régie. Par exemple, avec les projets EDGP et RDGP, nous sommes passés du contrôle laitier mensuel à hebdomadaire, ce qui nous permet non seulement d’obtenir plus de données, mais aussi une fiabilité accrue des relevés de lait. Avec ces données supplémentaires, j’ai commencé à observer les composants du lait plutôt que les litres, et toutes mes décisions sont maintenant basées sur le gras quotidien. De plus, tous nos animaux ont été génotypés dans le cadre de ce projet ce qui, encore une fois, a augmenté la fiabilité puisque je connais exactement le rendement de mes vaches. C’est fantastique pour la gestion de la ferme d’avoir ces données supplémentaires que nous ne paierions pas autrement.

Q : Quels sont les défis associés à la recherche commerciale?

JP : Certains défis concernent la communication, l’incompatibilité du processus souhaité, le fait d’avoir à penser à une façon de faire fonctionner les choses d’une manière moins intrusive dans le contexte laitier commercial tout en obtenant quand même un travail de recherche de qualité.

Il peut y avoir de nombreux inconnus quand il s’agit de recherche; les agriculteurs aiment contrôler leur environnement et, avec la recherche, vous invitez quelqu’un d’autre dans cet environnement. Des adaptations aux installations peuvent être nécessaires, et vous devez être ouvert d’esprit et disposé à changer la façon dont les choses fonctionnent. Dans tout projet de recherche, il doit y avoir une volonté de multiples parties de travailler ensemble. J’aime l’engagement commercial dans la recherche. Je pense que cela est plus efficace et donne une adaptation plus concrète de la recherche.

Q : Quel a été l’impact global de la recherche à votre ferme?

JP : J’ai participé à de nombreux projets, dont certains qui étaient plus de base et qui n’ont pas porté fruit pour l’industrie ou qui n’ont pas encore entraîné des changements de gestion. D’autres projets auxquels nous avons collaboré ne peuvent pas seulement bénéficier à notre ferme, mais doivent être mis en œuvre dans l’industrie. Par exemple, nous avons participé à un travail de découverte de caractères reproductifs autour de la distance anogénitale qui ne permet pas de modifier la gestion, mais plutôt d’influencer les évaluations génétiques de l’industrie afin de tirer parti de ce travail.

Certains des progrès que nous avons réalisés concernent la gestion des maladies, comme l’élimination du virus de la leucose bovine et de la dermatite digitale par la mise en œuvre de meilleures pratiques de gestion qui a été grandement facilitée par la recherche effectuée à notre ferme et ailleurs. La mise en œuvre de certains travaux de recherche effectués sur nos veaux a aussi été bénéfique – y compris des avantages  issus de notre communication avec le chercheur concernant l’amélioration de la gestion des veaux.
De mon point de vue, avoir accès à certains des meilleurs chercheurs dans l’industrie laitière comporte de grands avantages au-delà de l’obtention de résultats de projets de recherche spécifiques.

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Par Hannah Sweett, Ph. D.
Hannah a découvert sa passion pour l'agriculture pendant ses études de premier cycle à l'Université de Guelph et grâce à son expérience professionnelle dans l'industrie laitière. Elle est titulaire d'un B.Sc. en biologie moléculaire et génétique ainsi qu’un doctorat en génétique animale axé sur l'amélioration génétique de la fertilité des bovins laitiers.