L’infrarouge pour détecter les vaches nourries à l’herbe? Une recherche qui n’est pas dans le champ!

Dans certaines provinces canadiennes, les producteurs laitiers qui produisent du lait provenant de vaches « nourries à l’herbe » doivent démontrer qu’ils respectent la norme des Producteurs laitiers du Canada (PLC) et ce, au moins six fois par année pour conserver leur certification. Le statut de vache « nourries à l’herbe » est déterminé en vérifiant le ratio des différents acides gras essentiels dans le lait, car les acides gras sont fortement influencés par le régime alimentaire de la vache.

La matière grasse du lait produite par des vaches nourries à l’herbe se caractérise par une teneur plus élevée en acides gras Oméga 3 par rapport aux Oméga 6. Pour contrôler le rapport entre ces deux groupes d’acides gras, on détermine les concentrations d’acide linoléique (LA), un acide gras Oméga 6, et d’acide alpha-linolénique (ALA), un acide gras oméga 3, puis on calcule le rapport entre les deux (LA:ALA). Une valeur plus petite pour LA:ALA indique une teneur plus élevée en ALA dans la matière grasse du lait, ce qui signifie que la matière grasse du lait est plus riche en acides gras oméga 3. La norme DFC stipule que le rapport LA:ALA doit être égal ou inférieur à 3 dans le lait produit par des vaches nourries à l’herbe, ce qui signifie que la matière grasse du lait contient une portion plus élevée d’acides gras Oméga 3.  

La chromatographie en phase gazeuse (CPG) est la méthode d’analyse couramment utilisée pour déterminer le rapport LA:ALA. Cependant, cette méthode est laborieuse, longue et dispendieuse. Le coût de l’analyse d’un échantillon de lait se situe entre 100 et 150 dollars, ce qui représente au moins 900 dollars par an et par producteur laitier ! 

Saviez-vous que...

Des études ont montré, à différents degrés, qu'une consommation accrue d'acides gras oméga 3 peut être liée à une diminution des maladies non transmissibles, telles que divers types de cancers, le diabète, les maladies cardiovasculaires et inflammatoires ?

Plus rapide et moins cher

Récemment, Lactanet a mené un projet pilote qui a montré que le rapport LA:ALA peut être prédit avec précision à partir d’analyseurs de lait à infrarouge. C’est la routine d’utiliser ces analyseurs pour analyser les échantillons de lait collectés dans les réservoirs de lait. Actuellement, cette technique est utilisée pour déterminer les composants du lait majeurs (c’est-à-dire les matières grasses, les protéines et le lactose) et certains composants mineurs (c’est-à-dire l’urée, le β-hydroxybutyrate ou (BHB) et les acides gras) dans le cadre de programmes d’amélioration des troupeaux laitiers. Ces analyseurs sont rapides et ne nécessitent aucune préparation de l’échantillon, ce qui rend la détermination du rapport LA:ALA nettement moins coûteuse que l’analyse CPG mentionnée un peu plus tôt.

Ces analyseurs reposent sur une technique d’analyse chimique qui utilise la région infrarouge de la lumière pour déterminer la composition chimique de l’échantillon de lait examiné.

Phase 2 : Collecte de données au Canada

À la lumière des résultats du projet pilote, un nouveau projet a été lancé en 2021 qui vise à développer un modèle de classification pour prédire le statut d’alimentation à l’herbe d’un troupeau. Des troupeaux nourris à l’herbe ainsi que des fermes conventionnelles du Québec, de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse, et de la Colombie-Britannique fournissent gracieusement des échantillons de lait en vrac pendant un an. Le projet a reçu le soutien financier du MAPAQ, des PLQ, des PLC, DFO et des contributions de DFNS et de BC Milk Board. Les premiers résultats du modèle de classification montrent que la précision de la prédiction du statut « nourrie à l’herbe » se situe entre 86 et 95 % pour différents algorithmes. Les modèles définitifs devraient être finalisés en 2023.

Prochaines étapes

Lactanet dispose déjà de l’infrastructure nécessaire pour analyser régulièrement des échantillons de lait, déterminer le rapport LA:ALA, communiquer les résultats aux producteurs laitiers et fournir des conseils lorsque le rapport LA:ALA dépasse son seuil acceptable. Le développement d’un modèle de prédiction du rapport LA:ALA pourrait créer un nouveau service Lactanet visant à contrôler le statut d’un troupeau « nourri à l’herbe », tout en épargnant aux producteurs laitiers le coût élevé de l’analyse CPG. Ainsi, le ratio LA:ALA serait déterminé en même temps que l’analyse des autres composants du lait réalisée pour le paiement et la gestion du troupeau. 

Ce projet est financé par l’entremise du programme Innov’Action agroalimentaire, en vertu du Partenariat canadien pour l’agriculture, entente conclue entre les gouvernements du Canada et du Québec.

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Par Mazen Bahadi, Ph. D.
Analyste de données