Optimiser la gestion de la période de transition : l’importance de l’analyse du lait et quelques valeurs de référence de 2023

La période de transition est une phase critique pour les vaches qui vient avec de nombreux défis. Or, ces défis peuvent avoir un impact sur la santé et la productivité du troupeau. C’est pourquoi nous avons récemment exploré ces défis ainsi que leurs conséquences potentielles. Par ailleurs, l’analyse du lait de tout début de lactation peut constituer un outil précieux pour monitorer et évaluer la gestion de la période de transition.

Les valeurs de référence sont une bonne référence pour évaluer la performance du troupeau et accroître la productivité et la durabilité. Elles fournissent une approche basée sur des données pour évaluer les pratiques de gestion, permettant ainsi aux producteurs et à leurs conseillers de prendre des décisions éclairées et d’adapter leurs pratiques afin d’obtenir de meilleurs résultats pour le troupeau.

Dans cet article, nous nous penchons sur les moyennes annuelles de 5 611 troupeaux Holstein au Canada en 2023 pour le comptage de cellules somatiques (CCS), le bêta-hydroxybutyrate (BHB) et les acides gras de novo dans l’échantillon de lait du premier contrôle laitier de la lactation. Pour chaque paramètre, les troupeaux ont été classés en trois catégories : les 25 % supérieurs, qui représentant les troupeaux ayant les meilleures moyennes; les 50 % moyens, qui comprennent les troupeaux se situant entre les quartiles 25 % et 75 %; et les 25 % inférieurs, comprenant les troupeaux présentant les meilleures possibilités d’amélioration. Ces valeurs peuvent servir de référence pour évaluer vos pratiques de gestion de la période de transition.

Comptage de cellules somatiques (CCS) lors de la première analyse du lait

Le suivi du CCS s’avère être un outil précieux pour évaluer la santé du pis. Lors de la première analyse du lait, un CCS élevé pourrait indiquer la présence de nouvelles infections au cours des premières semaines de lactation, ou d’infections n’ayant pas été guéries lors de la dernière lactation. Un CCS supérieur au seuil de 200 000 cellules/ml est associé à des pertes de production laitière.

            Les troupeaux faisant partie des 25 % supérieurs au Canada avaient une moyenne de 115 000 cellules/ml à la première analyse, tandis que les 25 % inférieurs avaient une moyenne presque 2,4 fois supérieure, soit de 272 000 cellules/ml. Parmi les 25 % supérieurs, seulement 10 % des vaches dépassaient le seuil de 200 000 cellules/ml fixé pour le CCS. À l’inverse, dans les 25 % inférieurs, cette prévalence était deux fois plus élevée, atteignant 20 %.

Taux de bêta-hydroxybutyrate lors de la première analyse du lait

Pendant la période de transition, les besoins en énergie augmentent pour soutenir la production laitière. Au même moment, la consommation d’aliments des vaches laitières diminue au cours de la dernière phase de la gestation, et ce n’est qu’après quelques semaines que la consommation revient à la normale. C’est pourquoi la plupart des vaches laitières présentent un équilibre énergétique négatif, ce qui entraîne la mobilisation des réserves de graisse et une hausse de la concentration de BHB dans le sang et le lait. Alors que de faibles taux de BHB ne sont pas préoccupants, des taux plus élevés indiquent une acétonémie subclinique et sont associés à une diminution de la production laitière et de la fertilité, de même qu’à des risques plus élevés de réforme.

Les troupeaux faisant partie des 25 % supérieurs au Canada avaient une concentration moyenne de BHB dans le lait de 0,10 mmol/l lors du premier contrôle laitier de la lactation, tandis que les 25 % inférieurs avaient une concentration moyenne de 0,13 mmol/l. Chez les 25 % supérieurs, seulement 7 % des vaches présentaient une concentration de BHB > 0,15 mmol/l (ce qui est un indicateur pour l’acétonémie subclinique) lors du premier test, alors que dans les 25 % inférieurs, cette prévalence était trois fois plus élevée, soit de 21 %.

Cependant, il est essentiel de noter que le taux de BHB ne reste habituellement élevé que pendant quelques jours. Étant donné que les contrôles laitiers ont lieu toutes les 5 à 6 semaines, il existe une période pendant laquelle les vaches présentant des niveaux élevés de BHB peuvent ne pas être détectées lors des tests. Par conséquent, nous estimons que l’incidence réelle est probablement 2,5 à 3 fois plus élevée que ce que le test révèle.

Acides gras de novo lors de la première analyse

La santé du rumen est un sujet de préoccupation pendant la période de transition pour plusieurs raisons : réduction de la consommation alimentaire pendant la période précédant et suivant le vêlage, exposition à différents régimes alimentaires (alimentation prépartum, vaches fraîches, vaches en lactation, etc.) et stress social dû aux changements fréquents d’enclos. Or, la composition du lait s’avère être un outil fort utile pour évaluer le fonctionnement du rumen pendant la période de transition. Bien que la matière grasse soit considérée comme un seul composant, elle est formée de différents types d’acides gras, et des proportions distinctes de ces groupes peuvent servir d’indicateurs de différents facteurs. Les acides gras de novo sont produits dans la glande mammaire à partir de composés issus de la fermentation ruminale et constituent donc un bon indicateur du fonctionnement du rumen.

L’analyse du profil d’acides gras du lait est offerte au Québec et Nouveau-Brunswick, et notre analyse de ces données sur 2921 troupeaux a montré que des concentrations d’acides gras de novo supérieures à 20 % lors du premier test de la lactation sont associées à de meilleures performances de reproduction et à un risque réduit de réforme. La moyenne annuelle de 2 820 troupeaux du Québec en 2023 a montré que les troupeaux faisant partie des 25 % supérieurs ont en moyenne 25,4 g d’acides gras de novo/100 g d’acides gras, alors que les 25 % inférieurs en comptent en moyenne 23,0 g. Seulement 7 % des vaches dans les 25 % supérieurs présentaient une faible proportion d’acides gras de novo dans le lait, contre 20 % dans les 25 % inférieurs.

Remarques finales

En conclusion, les résultats du premier contrôle laitier de la lactation sont un bon outil pour évaluer la gestion de la période de transition. L’utilisation de valeurs de référence facilite non seulement l’évaluation des performances du troupeau, mais aide également à définir des objectifs et stratégies. Un CCS et un taux de BHB élevés indiquent des problèmes potentiels, tandis que les acides gras de novo donnent des indications sur la santé du rumen. Une gestion stratégique basée sur ces résultats est essentielle pour favoriser une santé, une productivité et une durabilité optimales de nos vaches.

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Par Bruna Mion, Ph.D
Experte en production laitière – nutrition et gestion du troupeau