Une année propice aux mycotoxines, quelles sont nos options?

Au Canada, les principales mycotoxines qui peuvent affecter les bovins laitiers sont le déoxynivalénol (DON), la zéaralénone (ZÉA) et la T-2/HT-2. Ces mycotoxines sont produites par des moisissures du genre Fusarium, qui proviennent majoritairement de maladies végétales chez le maïs et les céréales à paille. Les deux maladies les plus importantes causées par Fusarium au Canada sont la fusariose de l’épi et la fusariose de la tige.

La pluie joue un rôle important dans le cycle vital de ces deux maladies. D’abord, Fusarium a besoin de pluie pour produire des spores. Ces dernières peuvent se déplacer sur plusieurs kilomètres pour infecter un plant de maïs ou de céréale. Une fois que le plant infecté est récolté, des résidus contaminés se retrouvent au sol. L’année suivante, les précipitations contribueront de nouveau à la propagation de la maladie en créant des éclaboussures contenant des spores, qui peuvent propager la maladie sur une plante sensible ayant poussé parmi des résidus contaminés.

Une année pluvieuse est donc synonyme d’un risque plus élevé d’infection par Fusarium. Dans plusieurs régions, nous devrons être donc attentifs aux symptômes associés aux mycotoxines cette année…

Les analyses dans votre coffre à outils

Lorsque des signes cliniques sont observés chez les animaux (Figure 1), plusieurs analyses sont à votre disposition pour déterminer si les symptômes observés sont bel et bien causés par la présence de mycotoxines.

Figure 1 : Signes cliniques associés aux principales mycotoxines chez les bovins.

D’abord, il y a les analyses d’aliments, utiles pour vérifier la présence de mycotoxines dans la ration, ou encore pour identifier l’ingrédient problématique. Le défi de ce type d’analyse est d’obtenir un échantillon représentatif de la concentration réelle en mycotoxines. La rigueur du processus d’échantillonnage est une étape cruciale pour avoir des résultats pertinents. Le site de Lactanet indique les procédures pour échantillonner les aliments secs et humides, ainsi que les seuils préoccupants.

Il est également possible de mesurer le niveau de DON et son métabolite (DOM-1) dans le sang des vaches, avec l’aide de son vétérinaire. L’avantage de ce type d’analyse est que les vaches effectuent le travail d’échantillonnage des aliments à notre place, ce qui est plus simple et rapide que d’essayer d’obtenir manuellement un échantillon représentatif des aliments.

Une fois que la présence de mycotoxines est confirmée à des niveaux préoccupants, quelques solutions peuvent être envisagées, comme remplacer l’aliment contaminé, réduire son taux d’inclusion dans la ration, ou encore utiliser un additif alimentaire ayant la capacité de lier les mycotoxines. Malheureusement, ces solutions peuvent être difficiles à appliquer, couteuses, et pas toujours efficaces.

Il faut mettre plus d’accent sur la prévention

Après avoir identifié la problématique et trouvé des solutions à court terme, il est important de déterminer comment on pourra prévenir ce problème pour les années suivantes. Dans une étude publiée en 2021, un groupe d’experts internationaux a été réuni pour discuter de gestion des problématiques de mycotoxines. Ceux-ci ont dû répondre à la question suivante : quelles sont les stratégies efficaces pour minimiser la contamination par DON et ZÉA durant la croissance du maïs? Plusieurs stratégies ont été proposées, puis classée selon leur importance (Figure 2).

Figure 2: Stratégies efficaces pour minimiser le DON et ZÉA dans le maïs avant la récolte (% des votes).

Parmi les 15 stratégies dans la liste, plusieurs peuvent être regroupées. Le choix de l’hybride représente à lui seul 36 % des votes (hybride résistant à la maladie, adapté aux conditions locales, et pas trop tardif). L’absence de résidus contaminés représente 20 % des votes (rotation, gestion des résidus, labour). À elles seules, ces stratégies sont de loin les plus importantes, et représentent 56 % des votes.

La génétique et l’absence de résidus contaminés : deux incontournables

On peut se demander si les hybrides de maïs vendus ont tous un bon niveau de résistance à la fusariose. Des chercheurs ont étudié la question, et ont démontré qu’il existe une variabilité importante en ce qui a trait au niveau de DON des hybrides de maïs cultivés au Québec dans les mêmes conditions (Farimani, 2014). Durant une année favorable aux mycotoxines, l’hybride le plus résistant à la maladie contenait de 0,03 à 0,27 ppm de DON, dépendamment du site à l’essai. L’hybride le plus susceptible contenait quant à lui de 2,25 à 4,93 ppm de DON. Pas étonnant que les experts accordent autant d’importance au choix de l’hybride!

Mais comment pouvez-vous vérifier le niveau de résistance à la fusariose? La première chose à faire est de vérifier s’il existe dans votre région un organisme indépendant qui évalue la résistance des hybrides/cultivars à chaque année. Si de tels essais ne sont pas disponibles, il faut s’informer auprès du représentant de semences. Certaines compagnies évaluent la résistance de leurs hybrides/cultivars à la fusariose de l’épi (aussi appelée pourriture de l’épi Gibberella). Malheureusement, d’autres ne rapportent pas l’information ou évaluent des indicateurs très généraux qui ne sont pas spécifiques à la fusariose. Si votre entreprise est à haut risque d’avoir des problèmes de mycotoxines et que votre fournisseur n’a pas l’information sur le sujet, il faut se demander si on peut réellement se passer de cette information… Évidemment, il ne faut pas oublier de choisir un hybride ou un cultivar adapté à nos conditions, et qui ne sera pas trop tardif.

Concernant les résidus de culture, il y a deux principales stratégies que l’on peut envisager. La première est de s’assurer d’avoir une rotation qui évite la présence successive de cultures sensibles à la maladie. Si cela n’est pas possible, l’autre option est d’enfouir les résidus d’une culture sensible avant de semer une autre culture sensible dans le même champ. L’enfouissement doit se faire avec un labour pour être efficace. Évidemment, le labour n’est pas une stratégie optimale pour les fermes souhaitant améliorer la santé de leurs sols en diminuant le travail du sol. Une bonne réflexion s’impose si vous êtes dans cette situation!

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Par Jean-Philippe Laroche, agr., M. Sc.
La valorisation des fourrages par les ruminants est un sujet particulièrement passionnant pour Jean-Philippe, qui a grandi sur une ferme laitière. Diplômé en agronomie de l’Université Laval en 2018 et membre de l’Ordre des agronomes, il a également complété une maîtrise en sciences animales, durant laquelle il a reçu plusieurs distinctions.