L’empreinte écologique de l’industrie laitière

« Durabilité », un mot que nous avons entendu maintes fois dans de multiples secteurs et dans le monde entier. Mais qu’est-ce qu’il signifie vraiment? La durabilité est la capacité de répondre à nos besoins sans compromettre les besoins des générations futures et elle comporte trois piliers : environnemental, économique et social.

Pendant des siècles, les producteurs laitiers ont démontré leur prise de conscience et déployé leurs efforts visant à conserver les ressources naturelles, à appuyer une communauté en santé et à demeurer financièrement viables pour les générations futures. Au cours des dernières années, les objectifs de durabilité basés sur des données scientifiques se sont toutefois avérés plus ambitieux que prévu.

Durabilité écologique

Les effets du changement climatique sont devenus une préoccupation majeure en matière de durabilité écologique. De plus en plus de pays, de communautés, d’entreprises et d’individus commencent à se demander comment ils peuvent favoriser la durabilité et contribuer à un écosystème équilibré pour les générations à venir. Cela inclut la plupart des industries laitières mondiales qui annoncent leur engagement à atteindre des émissions nettes nulles de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050, y compris les Producteurs laitiers du Canada.

D’un point de vue environnemental, plusieurs facteurs contribuent à la durabilité, y compris les GES qui emprisonnent la chaleur dans l’atmosphère. Les principaux GES sont le dioxyde de carbone, le méthane et l’oxyde nitreux, et il a été démontré que leur concentration croissante dans l’atmosphère est le principal moteur du changement climatique1, ce qui a de nombreux liens avec les équilibres et cycles naturels et la santé des ressources que sont les sols et l’eau. Les impacts des émissions de GES d’origine humaine sont observés partout au pays, avec des inondations, des sécheresses, des incendies de forêt et des vagues de chaleur extrême, pour n’en nommer que quelques-uns. Chaque GES qui entre et qui sort de l’atmosphère de diverses façons, à la fois naturellement et par le biais d’activités humaines, apporte une contribution différente au changement climatique.

Le dioxyde de carbone constitue 80 % des émissions de GES du Canada et il est émis par la combustion de combustibles fossiles et par la déforestation/le défrichement1. Une fois émis, le dioxyde de carbone reste dans l’atmosphère à des niveaux importants pendant des milliers d’années. D’autre part, le méthane reste dans l’atmosphère pendant environ 12 ans et constitue 14 % des émissions de GES du Canada1, mais il possède une puissance supérieure par rapport au dioxyde de carbone, selon la mesure de son potentiel de réchauffement planétaire (PRP, Tableau 1). La production et la distribution de gaz naturel, l’exploitation du charbon, l’élevage du bétail et les milieux humides naturels sont les principales sources d’émissions de méthane au Canada. L’oxyde nitreux peut être émis par l’application d’engrais et la combustion de combustibles fossiles, et constitue environ 8 % de toutes les émissions de GES au Canada1.

Tableau 1. Durée de vie et potentiel de réchauffement planétaire (PRP) des trois principaux gaz à effet de serre

Gaz à effet de serre Durée de vie de la perturbation (années) PRP-100 ans
(kg CO2eq/kg de GHG)

PRP-20 ans
(kg CO2eq/kg de GHG)

Dioxyde de carbone, CO2 Multiples • 1 (de source fossile)
• 0 (biogénique – cycle court du carbone
• 1 (de source fossile)
• 0 (biogénique)
Méthane, CH4 11,8 • 29,8 (de source fossile)
• 27,0 (biogénique, p. ex. CHentérique)
• 82,5 (de source fossile)
• 79,8 (biogénique, p. ex. CHentérique)
Oxyde nitreux, N2O 109 273 273

Le PRP est un indice reflétant l’effet de réchauffement à la suite d’une émission d’une unité de masse de GES, accumulé sur un horizon temporel choisi, par rapport à celui du dioxyde de carbone (CO2). Le PRP-100 et le PRP-20 sont deux indices qui diffèrent selon l’horizon temporel choisi, respectivement de 100 ans et 20 ans. Le PRP-20 du méthane est beaucoup plus élevé que son PRP-100 puisque la plus grande partie de l’effet de réchauffement causé par le méthane est considérée pendant la période de 20 ans, par rapport à des GES avec une durée de vie plus longue comme le CO2 et le N2O dont l’effet sur le réchauffement se prolonge beaucoup plus longtemps après l’horizon de 20 ans. Source : IPCC, 20212; IDF, 20224. Les émissions impliquées dans le cycle court du carbone biogénique peuvent être exclues des calculs (PRP=0). Le carbone absorbé par les animaux et les plantes (sous forme de CO2) est ainsi dit carboneutre car il est rapidement relargué lorsqu’il est métabolisé à nouveau sous forme de CO2 et subséquemment expiré ou transformé en biomasse (c-à-d le fumier ou les résidus de culture) qui va se dégrader dans un cycle très court. Cependant, le carbone du cycle court qui est transformé et émis sous forme de méthane (dit biogénique, p. ex. le méthane entérique) doit être comptabilisé, avec toutefois un PRP réduit qui prend en considération l’oxydation progressive du méthane biogénique en CO2 biogénique dans l’atmosphère qui se déroule sur un plus long cycle.

Émissions à la ferme

En ce qui concerne le rôle de l’agriculture dans les émissions de GES, le secteur agricole représentait 8,2 % des émissions de GES du Canada en 20201. Cela comprend les émissions provenant de la fermentation entérique, de la gestion du fumier, des terres agricoles et des brûlis. Si l’on considère de façon particulière l’industrie laitière canadienne, elle a une des empreintes écologiques les plus faibles au monde, représentant moins de 1,3 % des émissions de GES du Canada, 0,02 % de l’approvisionnement en eau douce du sud du Canada et 2,9 % de l’utilisation totale des sols agricoles du Canada3. Pour le bilan GES spécifiquement, l’empreinte carbone du lait en 2016 s’élevait à 0,92 kg de CO2eq pour un litre de lait produit à la ferme. Ces émissions proviennent pour :

  • 48 % de la gestion du bétail (c-à-d fermentation entérique),
  • 28 % de la production d’aliments,
  • 18 % de la gestion du fumier et
  • 6 % du transport, et de l’énergie et l’infrastructure des bâtiments agricoles3.

Qu’est-ce qu’une empreinte carbone?

(adapté de la FIL, 20224)

Une empreinte carbone est une évaluation de toutes les entrées (p.ex. séquestration de CO2) et les sorties (émissions) de GES pour un produit ou un système de production particulier, comme une ferme laitière, une usine de traitement du lait ou l’ensemble du système de production laitière, tout au long de son cycle de vie. L’impact du bilan GES réalisé est généralement calculé à l’aide des PRP, comme ceux présentés au Tableau 1

Par exemple, l’empreinte carbone illustrée à la Figure 1 est obtenue en calculant et en additionnant tous les GES émis par kilogramme de lait à chaque étape du cycle de vie du produit, du début (p.ex. de la production de ressources comme le diesel ou les engrais minéraux) à la fin (lors du transport du lait cru à l’usine de transformation) et inclut aussi ceux liés à la gestion de tout déchet produit. Finalement, ces émissions de GES sont exprimées en équivalent CO2 par kg de lait (en utilisant le PRP-100).

Figure 1.  Contribution relative des étapes du cycle de vie à l’empreinte CARBONE moyenne de la production d’un kilogramme de lait canadien3

La plus grande contribution à l’empreinte carbone du lait est associée à la digestion par les animaux. Un processus appelé fermentation entérique décompose les glucides des aliments que la vache mange en glucose et en acides gras volatils, qui sont ensuite utilisés pour la production d’énergie et de protéines. Cependant, la fermentation entérique produit aussi du méthane qui est émis lorsqu’une vache éructe. Le méthane entérique est l’élément le plus important dans l’empreinte carbone de l’agriculture

Au Canada, le méthane moyen produit par vache est d’environ 150 kg par lactation. Ces émissions de méthane ne contribuent pas seulement à l’empreinte carbone de l’industrie laitière, mais elles représentent aussi une perte d’énergie pour l’animal. Le méthane est aussi émis lors du retrait du fumier de l’étable et de son entreposage, et surtout lors de sa décomposition dans des conditions anaérobiques (faible teneur en oxygène). De l’oxyde nitreux provient aussi de la gestion du fumier, mais sa principale source est au champ durant la production des aliments suite à l’application d’engrais et la décomposition de résidus de culture.

Stratégies d’atténuation

Malgré la contribution relativement faible du secteur laitier aux émissions de GES du Canada, les producteurs laitiers poursuivent leurs efforts pour déployer des stratégies d’atténuation des émissions multiples par le biais d’améliorations à la nutrition, la génétique, l’hébergement et la production culturale visant à réduire, en fin de compte, leur empreinte carbone. Cela représente de grandes avancées dans la digestibilité des nutriments par des modifications aux compositions alimentaires et une amélioration de l’efficacité, ce qui permet de produire la même quantité de lait avec moins d’animaux. Les producteurs laitiers canadiens ont déjà réduit l’empreinte carbone d’un litre de lait de 25 % depuis 19901.

Dans les années à venir, Lactanet s’engage à agir comme leader en matière de durabilité. En offrant de nouveaux outils, y compris des évaluations génétiques de l’Efficience de méthane, Lactanet collaborera avec les partenaires de l’industrie pour aider l’industrie laitière à être non seulement plus durable sur le plan de l’environnement, mais pour aussi contribuer à sa productivité et à son efficience.

Références :

  1. Environnement et changement climatique au Canada. 2022. Rapport d’inventaire national 1990-2020 : Sources et puits de gaz à effet de serre au Canada.
    https://publications.gc.ca/collections/collection_2022/eccc/En81-4-2020-1-fra.pdf

  2. IPCC, 2021: Changement climatique 2021: les éléments scientifiques. Contribution du Groupe de travail I au sixième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu et B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni et New York, NY, É.-U., 2391 pp. doi:10.1017/9781009157896.

  3. Groupe AGECO. 2018. Évaluation du cycle de vie environnemental de la production laitière au Canada. Mise à jour des données et des résultats. Sommaire exécutif.
    https://www.dairyresearch.ca/userfiles/files/ACV_2018_SommaireExecutif.pdf. Consulté le 26 avril 2021.

  4. FIL, 2022. La norme mondiale d’empreinte carbone de la FIL pour le secteur laitier. Dans : Bulletin de la FIL no 520/2022. Fédération internationale du lait (éd.), Bruxelles.

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Par Hannah Sweett, Ph. D.
Hannah a découvert sa passion pour l'agriculture pendant ses études de premier cycle à l'Université de Guelph et grâce à son expérience professionnelle dans l'industrie laitière. Elle est titulaire d'un B.Sc. en biologie moléculaire et génétique ainsi qu’un doctorat en génétique animale axé sur l'amélioration génétique de la fertilité des bovins laitiers.

Par Dominique Maxime, expert en durabilité et en environnement dans la production de lait