Mycotoxines dans l’ensilage : mieux vaut prévenir que guérir

La présence de mycotoxines dans l’ensilage peut entrainer des pertes financières considérables pour une ferme laitière. Augmentation des frais vétérinaires, baisse de la productivité, problèmes de reproduction, coût exorbitant des additifs servant à diminuer l’impact négatif sur les vaches… Est-ce possible de prévenir ces problèmes plutôt que de les subir?

Crédit photo : Les Producteurs de lait du Québec

Bien que certains facteurs de risque, comme les conditions météorologiques, soient hors de notre contrôle, plusieurs stratégies peuvent être utilisées en prévention afin de réduire les problèmes de mycotoxines. Pour y arriver, il faut suivre les bonnes pratiques à toutes les étapes de la production des ensilages, étant donné que ceux-ci peuvent être contaminés par des mycotoxines avant, pendant et après la récolte.

Au champ

La rotation des cultures fait partie des éléments contrôlables les plus importants pour prévenir les problèmes de mycotoxines. En ayant un précédent cultural sensible aux mêmes maladies et aux mêmes ravageurs que la culture suivante, on augmente fortement le risque de contamination. Il est alors très important de s’assurer que votre rotation brise le cycle des maladies et des ravageurs. Si ce n’est pas possible, il faut minimalement enfouir les résidus avec un labour afin de diminuer le risque de contamination.

L’utilisation de cultivars ou d’hybrides adaptés aux conditions locales et résistants aux infections fongiques est aussi un incontournable dans la prévention des problèmes de mycotoxines. Dans le cas du maïs, les hybrides à spathes serrées et épis dressés présentent moins de risque d’être affectés. Les autres stratégies de prévention au champ consistent à fertiliser adéquatement ainsi qu’à bien gérer les mauvaises herbes et les ennemis des cultures.

Pendant la récolte

Le sol peut être une source importante de moisissures productrices de mycotoxines dans l’ensilage. Dans les prairies, il est donc suggéré de faucher à une hauteur de 10 cm (4 po) et de travailler proprement afin de limiter la contamination.

Pour ce qui est du maïs, il a été démontré qu’une récolte trop tardive pouvait augmenter la quantité de mycotoxines. Il est alors important de choisir un hybride qui ne sera pas trop tardif pour la région. Évidemment, il faut aussi éviter la contamination par le sol en travaillant proprement.

Dans les deux cas, il faut également s’assurer de réduire la période entre la récolte et l’entreposage pour laisser le moins de temps possible aux moisissures, qui pourraient profiter des conditions idéales que représente pour elles un fourrage non fermenté.

Les fongicides dans l’ensilage de maïs, utiles ou pas?

La question revient souvent : est-ce que ça vaut la peine d’utiliser un fongicide pour la culture du maïs? Pour répondre, on a la chance de pouvoir se baser sur plusieurs essais indépendants réalisés entre autres au Québec et en Ontario.

Règle générale, les applications de fongicide pour améliorer le rendement ou la valeur nutritive du maïs ont très peu de chance d’être rentables, que ce soit pour le maïs-grain ou le maïs fourrager.

En ce qui concerne l’effet sur la teneur en mycotoxines, le fongicide peut atténuer le problème dans certains cas, mais l’efficacité varie énormément selon une foule de facteurs. Par conséquent, il n’est pas possible de se fi er uniquement à cette stratégie pour réduire la présence des mycotoxines. 

Conclusion? L’utilisation d’un fongicide pourrait être justifiée, mais seulement dans une situation où le risque de maladie est élevé. Le moment et la qualité de l’application sont des facteurs déterminants pour augmenter les chances de succès.

Pendant la récolte

Lorsqu’on est à l’étape de l’entreposage, nos ensilages peuvent être plus ou moins contaminés par des moisissures productrices de mycotoxines. Avec un bon travail de prévention au champ et pendant la récolte, la contamination va être réduite. Cependant, si l’entreposage n’est pas optimal, les moisissures vont être en mesure de se multiplier, et elles pourront continuer de produire des mycotoxines. Le principal élément à retenir ici, c’est que les moisissures ont absolument besoin d’oxygène pour se développer. Il faut donc s’assurer d’éliminer rapidement l’oxygène de l’ensilage et de maintenir l’anaérobie durant toute la durée de l’entreposage. La matière sèche à la récolte, la longueur de hachage, la densité, et l’étanchéité du silo font partie des éléments cruciaux à vérifier.

L’autre stratégie pour empêcher la prolifération des moisissures est la descente rapide du pH. Il faut donc maximiser la teneur en sucre pour fournir le carburant nécessaire aux bonnes bactéries qui vont produire l’acide lactique. Dans le cas des ensilages d’herbe, on peut également utiliser un inoculant, de type homofermentaire ou combo, afin de diminuer encore plus rapidement le pH.

Finalement, la reprise doit aussi être faite dans les règles de l’art pour éviter que les moisissures ne se développent à ce moment. Vérifiez le taux de reprise, la face de silo, et considérez l’utilisation d’un additif approprié si votre ensilage a l’habitude de chauffer.

Recommandations en bref

Au champ

  • Pratiquer une bonne rotation des cultures, si ce n’est pas le cas, enfouir les résidus avec un labour
  • Utiliser des cultivars/hybrides adaptés aux conditions locales et résistants aux infections fongiques
  • Fertiliser adéquatement Gérer correctement les mauvaises herbes et les ennemis de culture

Pendant la récolte

  • Limiter la contamination de l’ensilage par le sol
  • Éviter une récolte trop tardive pour l’ensilage de maïs
  • Réduire le temps entre la récolte et l’entreposage

Durant l’entreposage et la reprise

  • Éliminer rapidement l’oxygène et maintenir l’anaérobie
  • Favoriser une descente rapide du pH
  • Éviter que l’ensilage ne chauffe lors de la reprise

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Par Jean-Philippe Laroche, agr., M. Sc.
La valorisation des fourrages par les ruminants est un sujet particulièrement passionnant pour Jean-Philippe, qui a grandi sur une ferme laitière. Diplômé en agronomie de l’Université Laval en 2018 et membre de l’Ordre des agronomes, il a également complété une maîtrise en sciences animales, durant laquelle il a reçu plusieurs distinctions.