Le bien-être des producteurs, c’est payant!

Des études récentes nous suggèrent que le bien-être des producteurs est fortement associé au bien-être des vaches. À bien y penser, cela ne devrait pas nous surprendre. Et si le cercle vertueux du bien-être commençait par vous, les producteurs?  

Lorsque nous parlons de bien-être animal, nous faisons référence aux émotions, à ce que les animaux ressentent. Imaginez-vous si vos vaches pouvaient exprimer en mot comment elles se sentent.  Il en va de même pour le bien-être occupationnel des producteurs de lait. Quelles sont vos émotions concernant votre quotidien à la ferme? Comment cela impacte vos animaux et votre entreprise?   

Un mode de vie rempli de défis

C’est bien connu, le métier de producteur n’est pas de tout repos. Au quotidien, les producteurs font face à des « stresseurs », qui peuvent être de nature financière ou personnelle. La solitude, l’incertitude des marchés, la critique des médias, les pressions sociales, l’implication de la famille dans son entreprise, la maladie, les blessures, et le manque de temps sont quelques exemples des stresseurs avec lesquels les producteurs doivent composer.

Ces stresseurs peuvent affecter négativement l’attitude, le niveau de motivation et d’engagement, le comportement, et ainsi entraîner des répercussions sur le bien-être des troupeaux. L’effet contraire est aussi observé, c’est-à-dire qu’un bon statut de santé de troupeau et de bien-être animal, peut réduire le stress, favoriser la profitabilité, et contribuer au bien-être du producteur. 

Plusieurs études ont démontré que les attitudes et le bien-être d’un producteur, influencent le niveau de peur, de productivité, de santé et de bien-être des animaux.

Une étude canadienne récente (Villetaz Robichaud et al., 2019) a démontré une association entre les indicateurs de bien-être à la ferme et la productivité des animaux. Une autre étude menée en Norvège (Hansen et Osteras, 2019) conclue également à une relation positive entre le bien-être occupationnel des producteurs, celui des animaux et la productivité de l’entreprise laitière. Les auteurs mentionnent que la solitude, la satisfaction du revenu et l’optimisme des producteurs sont associés aux indicateurs de bien-être animal. À l’opposé, il existe une association négative entre le stress ressenti par les producteurs, le bien-être animal et la productivité de l’entreprise.

Ce qui nous emmène à se poser la question suivante : Êtes-vous stressé ?  Si oui, quel est l’impact et le coût du stress, sur votre troupeau et votre ferme ?

Santé et productivité des animaux

La relation entre les animaux et les agriculteurs dépend des attitudes et des comportements des producteurs (Muri, 2012). L’empathie, la volonté et l’investissement de temps avec les animaux déterminent l’habileté à reconnaître et à décider de traiter un animal qui requiert une attention. La détection et le traitement précoce des animaux malades ou blessés sont essentiels pour limiter les pertes économiques associées à la maladie.

Ces pertes économiques sont principalement associées au coût du traitement, à la baisse de productivité (production laitière ou croissance selon l’âge) et aux impacts sur la statut reproducteur (perte de gestation ou difficulté à la conception). Plus le délai entre le début de la maladie et le traitement s’allonge, plus ces pertes deviennent importantes, alors que les chances de récupération diminuent proportionnellement.

Pour évaluer les pertes reliées à ces événements, il faut d’abord garder en tête que le coût de remplacement des animaux représente environ 1500-2500 $/tête achetée, ou entre 4000 $ et 4500 $/animal de remplacement élevé.

Le coût du délai de conception peut varier de 3 $ à 6 $/jour/tête selon le nombre de jours en lait ouverts. Les coûts de la perte de productivité et du traitement sont variables selon la maladie.

Comme première exemple, les coûts associés à la mammite. Une étude Canadienne (Aghamohammadi et al., 2018) rapporte que le coût de la mammite s’élève à 662 $ par vache laitière par année, et qu’une proportion significative de ces coûts sont associés à la mammite subcliniques (48 % des coûts, représentant 34 344 $/100 vaches-année). Les cas de mammites subcliniques peuvent facilement passer inaperçus, ou être détectés trop tardivement puisque leur détection nécessite des efforts et du temps additionnel, et l’utilisation de tests indirects (CMT et CCS). Ce qui coûte cher dans les cas de mammite subclinique c’est la perte de production de lait subséquente (24 110 $/100 vaches-année) et la réforme de vaches laitières adultes (6743 $/100 vaches-année).

Un second exemple de maladie qui peut devenir coûteuse lorsque non reconnue ou traitée tardivement est l’acétonémie. Comme pour la mammite subclinique, l’acétonémie subclinique peut facilement passer inaperçue par l’absence de signes cliniques, et les efforts additionnels qu’il faut déployer pour en faire la détection. Il est estimé que chaque cas d’acétonémie subclinique coûte 203 $ (Gohary et al., 2016). Lorsque détectée tardivement, l’acétonémie subclinique progresse vers l’acétonémie clinique et l’impact économique devient encore plus important.

Reproduction

Le succès en reproduction est un facteur déterminant pour la productivité d’un troupeau laitier. L’intérêt et l’importance accordés à la reproduction dépend de l’attitude du producteur. La détection des chaleurs est souvent perçue comme une corvée. Celle-ci figure au bas de la liste des priorités lorsque le producteur est débordé et/ou démotivé.

Est-ce que la détection de chaleur est devenue « juste une autre job » sur votre ferme? La non-détection de chaleur se traduit en une augmentation des jours ouverts (3-6 $/jour/tête) et en une lactation prolongée. Nous estimons que chaque chaleur non-détectée coûte 63-126 $/cycle 21 jours/tête. Ce coût inclus la baisse de production laitière durant la vie productive de l’animal.

De plus, une combinaison de chaleurs non détectées et un faible taux de conception peut mener à des décisions de réforme prématurée pour des vaches qui ne sont pas réellement problématiques. Ce qui augmentera le coût de remplacement.

Main-d’œuvre

Bien sûr, votre niveau de stress et votre capacité à le gérer aura un impact sur votre attitude et celle de vos collègues et employés. Le principe du cercle vertueux du bien-être s’applique aussi aux employés. Un patron bien dans sa peau et à l’attitude positive aura tendance à rendre ses employés plus à l’aise, engagés et motivés.  En retour, des employés plus à l’aise, engagés, et attentionnés rendront le patron plus détendu.

En 2018, nous avons fait des entrevues avec des producteurs du Wisconsin, pour connaitre leur motivation à devenir de meilleurs employeurs. Ils ont presque tous mentionné la réduction de leur stress comme étant le bénéfice numéro un d’une meilleure gestion du personnel. L’un d’eux mentionnait une réduction dans les erreurs de manipulation des animaux, l’autre moins d’absentéisme et une meilleure rétention. Dans chacun des cas, ils économisent des coûts. Il n’est pas nécessaire d’envoyer des animaux à la réforme prématurément à cause de mauvaises manipulations ou de recruter, former un nouvel employé. Mais de façon encore plus importante, nous en arrivons à un patron qui dort mieux (Hoard’s Dairyman, août 2018).

La gestion du temps et de la main d’œuvre peut rapidement devenir un élément de stress. Cependant, cela peut rapidement devenir gratifiant et rentable.   

Comment éviter ces situations?

  • Le cercle vertueux du bien-être tourne dans quel sens et à quelle vitesse sur votre ferme?
  • La première question à se poser, êtes-vous heureux? Est-ce que le travail sur votre ferme vous apporte une satisfaction? Avez-vous une attitude positive au travail?

Comme vous le savez, des ressources sont disponibles pour discuter des questions de santé mentale et de ressources humaines. Vous ne devez pas attendre une crise pour agir. Il faut commencer par se questionner, être vigilent, et apprendre à se connaître.

Souvenez-vous, un producteur heureux a plus de chance de faire des vaches et des employés heureux. N’attendez pas que vos vaches vous disent que vous avez un air de bœuf!

Sources

  1. Aghamohammadi, M., Haine, D., Kelton, D.F., Barkema, H.W., Hogeveen, H., Keefe, G.P. & Dufour, S. (2018, May). Herd-Level Mastitis-Associated Costs on Canadian Dairy Farms. Frontiers in Veterinary Science, Vol. 5, Article 100. Herd-Level Mastitis-Associated Costs on Canadian Dairy Farms (nih.gov)
  2. Gohary, K., Overton, M.W., Von Massow, M., LeBlanc, S.J., Lissemore, K.D. & Duffield, T. (2016, July). The cost of a case of subclinical ketosis in Canadian dairy herds. Canadian Veterinary Journal, Vol. 57, No. 7, p.728-732. 007_7048_SA(2015_0192Thecost).indd (nih.gov)
  3. Hansen, B.G. & Osteras, O. (2019). Farmer welfare and animal welfare – Exploring the relationship between farmer’s occupational well-being and stress, farm expansion and animal welfare. Preventive Veterinary Medicine, Vol. 170, 104741. https://doi.org/10.1016/j.prevetmed.2019.104741
  4. Villettaz Robichaud, M., Rushen, J., de Passillé, A.M., Vasseur, E., Orsel, K. & Pellerin, D. (2019). Associations between on-farm animal welfare indicators and productivity and profitability on Canadian dairies: I. On freestall farms. Journal of Dairy Science, Vol. 102, No. 5, 4341-4351. https://doi.org/10.3168/jds.2018-14817
  5. Weersinka, A., VanLeeuwenb, J.A., Chia, J. & Keefeb. G.P. (2002). Direct Production Losses and Treatment Costs due to Four Dairy Cattle Diseases. Advances in Dairy Technology, Vol. 14, p. 55-75. Microsoft Word – Chapter 05 Weersink.doc (ualberta.ca)
  6. Jetté-Nantel, S., Blazek, J., & T. Wagner. (2018). What is the value of being a good boss? Hoard’s Dairyman, 25 août 2018, p. 481.

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Par Simon Jetté-Nantel, Ph. D.
Économiste
Par Elouise Molgat D.M.V.

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