Coûts et impacts de la construction d’une étable laitière    

La construction d’une étable neuve est un investissement important qui affecte grandement le confort des animaux, leur productivité, et la rentabilité des fermes à long terme. Dans les dernières années, on a beaucoup parlé du confort des animaux, mais on a également entendu parler à plusieurs reprises de dépassements de coûts dans des projets de construction menant à des situations financières précaires. C’est dans ce contexte que Lactanet a mené un projet visant à regrouper l’information disponible sur une soixantaine de projets de construction d’étables récentes (2017-2022) de façon à mieux comprendre les problématiques et les enjeux qui sont au cœur de ces décisions d’investissements. 

L’enquête inclut une soixantaine de constructions réparties géographiquement au travers du Québec et de façon à couvrir les différents systèmes de traite, les différentes tailles de troupeaux, les étables froides, étable pour taures et vaches taries, et les pouponnières. Chacune des constructions a été enquêtée de façon à colliger des informations détaillées sur le bâtiment, ses équipements, le déroulement du projet de construction, les coûts de constructions, le bien-être des animaux et leur productivité. Les résultats de l’étude nous permettent donc de mettre en relation les coûts de construction, ainsi que l’impact sur la productivité des animaux et leur bien-être. On vous présente ici quelques résultats préliminaires d’une trentaine de fermes portant uniquement sur des étables isolées pour vaches laitières. 

1. Coûts de construction

Afin de pouvoir établir un portrait des coûts de construction, les coûts ont été ajustés pour tenir compte de l’inflation durant la période 2017-2022. Il faut aussi noter que les coûts exclus l’achat de vaches, de quota et les éléments externes aux bâtiments (p. ex : fosses, entrepôts, silo). Ainsi, pour chaque projet, on obtient un coût ajusté pour refléter des coûts de construction 2023. 

Le tableau 1 nous présente les moyennes de coûts sur différentes bases ainsi que le 20ième et le 80ième percentile. Bien que les coûts aient été ajustés pour l’inflation, on note de bonnes disparités dans notre échantillon. Les coûts peuvent varier d’environ 20% en haut ou bas de la moyenne. Dans nos analyses nous avons noté deux principales raisons pouvant expliquer la majorité de ces différences:

  • Un facteur important est le degré d’automatisation de l’étable. Certains projets inclus un maximum d’automatisation tant au niveau de la traite, de l’alimentation, et de la gestion de la litière et du fumier. Des investissements initiaux qui devront se justifier par des gains de production et/ou des économies de frais variables. Alors que d’autres projets n’incluent qu’un minimum de ces équipements.
  • Les dépassements de coûts et la gestion et la planification du chantier sont aussi à considérer. D’un côté, certains producteurs ont eu du succès dans la gestion de leur chantier, la planification des travaux et la négociation avec les différents entrepreneurs et fournisseurs. D’un autre, certains ont dû faire face à des délais, des changements d’entrepreneurs ou de fournisseurs, ou des modifications devant être apportés au projet comme tel. Les disparités soulignent donc l’importance de la planification et de la bonne gestion de chantier.

 

Tableau 1 : Coût de construction (2023) – Étables laitières isolées (n=29) 

Coûts de construction (étables laitières) 

Médiane 

P20a 

P80b 

Coût par pied carré ($/pi2) 

101 

81 

112 

Coût par tête ($/tête) 

18160 

14920 

20890 

Coût par kg de quotac ($/kg) 

23000 

18300 

27280 

Coût des équipements ($/vache) 

7100 

5830 

8910 

Coût du bâtiment seulement ($/pi2) 

60.1 

51.4 

65.2 

a Correspond au 20ième percentile.
b Correspond au 80ième percentile.
c Quota produit au moment de l’entrée des animaux.  

2. Impact sur la production

On note que la production des troupeaux est directement affectée par la nouvelle étable, et dans plusieurs cas même avant la date de démarrage (voir figure 1). En moyenne, la production des troupeaux analysés régresse durant la première année, pour ensuite resurgir durant la deuxième et troisième année d’opération. Plusieurs causes peuvent être en jeu :  

  • Le stress créé par la construction et le manque de temps pouvant affecter la gestion du troupeau  

  • L’adaptation de la gestion a un nouvel environnement (p. ex. : gestion de la litière, de l’humidité, et l’adaptation au robot)

On estime la croissance moyenne de la production dans la deuxième année a un peu plus de 1.5kg/vache/jour, et de 1kg/vache/jour durant la troisième.

Finalement, les figures 2 et 3 nous montrent l’impact du démarrage sur la qualité du lait et l’indice de transition. On peut y voir qu’en moyenne la qualité du lait s’améliore dès le démarrage. En revanche l’indice de transition suit la production et régresse légèrement durant la première année avant de rebondir dans la deuxième année.   

Figure 1: Impact du démarrage sur la production
Figure 2: Impact du démarrage sur la qualité du lait
Figure 3: Impact du démarrage sur l'indice de transition

3. Conclusion

Cette analyse préliminaire nous donne déjà de bonnes pistes de réflexion. Elle confirme entre autres la grande disparité existante dans les coûts de construction au Québec et nous permet d’en comprendre les causes un peu mieux.  

On note aussi que la transition dans une nouvelle étable n’a pas un effet linéaire sur la production. Il faut prendre en compte que durant l’année suivant le démarrage doit considérer la possibilité d’une régression de la productivité.  

D’autres analyses suivront et nous permettrons de mieux comprendre l’impact des caractéristiques des bâtiments sur le bien-être animal, la productivité, les coûts d’opération, et même les gains en fait d’efficacité du travail. Des informations qui nous permettront de mieux éclairer les choix des producteurs dans un moment aussi crucial que la construction d’un nouveau bâtiment.  

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Par Simon Jetté-Nantel, Ph. D.
Économiste