Je maîtrise mes coûts d’alimentation

Produire du lait, c’est bien beau, mais en fin de compte l’important est qu’il reste de l’argent dans nos poches! Les entreprises qui se démarquent maîtrisent leur coût d’alimentation, ce qui leur permet d’obtenir une marge alimentaire élevée. Est-ce votre cas?

Nous ne vous l’apprendrons pas, l’alimentation est la dépense numéro un des fermes laitières. Le coût d’alimentation représente, en moyenne, 45 % des coûts totaux de l’entreprise. Avoir un oeil sur sa marge alimentaire est un moyen simple et efficace de surveiller une part importante de ce qui forme la marge globale de la ferme. Pas étonnant que le sujet soit souvent abordé et depuis longtemps.

Et tant qu’il existera des fermes qui pourraient devenir plus rentables, nous devrions parler du coût d’alimentation. 

Comment faire?

Étape 1 : Connaître la valeur de la marge alimentaire

Si vous ne connaissez pas déjà votre marge alimentaire, il faudra sortir vos factures et votre calculatrice. Si cela vous semble compliqué, sachez que de nombreux producteurs comptent sur l’aide d’un conseiller pour effectuer leurs calculs. Ce qu’il vous en coûtera en honoraires sera largement compensé par l’amélioration de la marge.

Si les mathématiques ne vous font pas peur, voici les grandes lignes du calcul de la marge alimentaire :

  • Calculez les revenus mensuels à l’aide des données de la paie de lait.
  • Comptabilisez les aliments servis aux animaux durant un mois.
    • Il est possible d’utiliser les données des équipements d’alimentation et/ou le relevé des achats de concentrés du mois.
    • Il est possible d’estimer la quantité de fourrages servie en se basant sur une journée type.
  • Établissez le coût total de l’alimentation du mois en appliquant le prix de chaque aliment à la quantité servie.
    • Par souci de simplicité, il faut utiliser un coût de production standard pour le prix des fourrages dans le calcul de la marge alimentaire. En réalité, le coût de production des fourrages varie énormément d’une ferme à l’autre. Entre les meilleurs et les pires, nous passons littéralement du simple au double. Puisque ces coûts représentent en moyenne 51 % du coût d’alimentation, ça peut faire toute une différence dans vos poches à la fin de l’année! En plus d’analyser régulièrement votre marge, il serait judicieux de prendre le temps de calculer le coût de production des fourrages à la fin de la saison.
  • Faites la différence entre le revenu net de la paie de lait et le coût des aliments pour obtenir la valeur de la marge alimentaire du troupeau.
  • Finalisez le calcul selon le type de marge qui convient le mieux pour juger de la performance de l’entreprise: $/vache, $/kg MG ou $/hL.

Si vous manquez de temps pour faire le calcul sur une base mensuelle, vous pouvez aussi commencer par la marge sur un jour. La compilation des aliments servis durant la journée s’effectue rapidement et nous utilisons la dernière cueillette de lait pour calculer la production. C’est plus variable que l’analyse mensuelle, mais il s’agit d’un premier signal intéressant.

Étape 2 : Comparer la marge à celle d’entreprises similaires

L’intérêt de connaître la valeur de sa marge alimentaire est de pouvoir évaluer s’il y a matière à amélioration.

Pour ce faire, il est intéressant de comparer sa ferme aux autres entreprises. Si la valeur moyenne de la marge des autres fermes est plus élevée, il y a fort à parier que vous pourriez faire mieux. Si votre marge est correcte, mais pas encore à la hauteur des meilleures fermes, il vous serait possible de viser plus haut.

La base de données Lactanet regroupe un ensemble complet de données liées à la marge alimentaire, provenant de plus de 650 troupeaux (2019). Les valeurs moyennes sont présentées dans notre publication annuelle L’Évolution de la production laitière québécoise. Les outils de calcul de la marge alimentaire utilisés par les conseillers Lactanet permettent de comparer vos données à celles de toutes les fermes participantes, grâce à des indicateurs mis à jour régulièrement.

Étape 3 : Explorer les pistes de solution

Après avoir repéré un besoin d’amélioration, deux possibilités s’offrent à vous :

  1. AMÉLIORER LA VALEUR DU LAIT
    Cela implique de travailler sur la production de lait et/ou sur les composantes. Il ne faut pas oublier le ratio SNG/G et la qualité du lait pour aller chercher le meilleur prix possible.

  2. DIMINUER LE COÛT D’ALIMENTATION
    Plusieurs questions se posent ici : Les fourrages sont-ils de qualité? En avez-vous pour votre argent avec les concentrés utilisés? La ration est-elle valorisée à son plein potentiel? Etc.

Les avenues à explorer s’avèrent multiples et varient selon la situation. Il est important de prendre le temps d’effectuer une analyse rigoureuse et de se poser les bonnes questions afin de choisir les meilleures solutions (souvent plus simples à appliquer que vous ne pourriez l’imaginer).

Il n’y aura jamais eu de meilleur moment que maintenant pour prendre la résolution de maîtriser votre coût d’alimentation. Nous sommes prêts à vous accompagner dans votre démarche par tous les moyens. Choisissez ce qui vous convient, l’important est de passer à l’action. Parions qu’à pareille date l’an prochain, vous serez fier de maîtriser vos coûts d’alimentation.

Que font les meilleurs?

Le tableau 1 présente les résultats pour la période de septembre 2019 à aout 2020, et ce, pour 631 troupeaux holsteins inscrits à l’option alimentation chez Lactanet. On a divisé ces fermes en cinq sous-groupes classés en fonction de leur marge alimentaire par vache. La colonne de droite affiche le résultat moyen de tout le groupe.

Trois éléments ressortent :

  1. La marge alimentaire par kilogramme (kg) de matière grasse évolue dans le même sens que la marge par vache;
  2. La marge par vache est très liée à la production de matière grasse par vache;
  3. Le coût d’alimentation moyen par vache varie peu d’un groupe à l’autre malgré les écarts de productivité.

Il est possible de produire beaucoup à faible coût

Dans chacun des sous-groupes, nous trouvons des troupeaux présentant une productivité élevée. C’est qu’une haute production n’est pas la garantie d’une bonne marge, puisqu’il faut en même temps maîtriser les coûts d’alimentation. Le tableau 1 indique cependant qu’on peut obtenir les deux à la fois. Le résultat net est un coût d’alimentation plus bas par kg de matière grasse produit. Et pour confondre les sceptiques, même le coût des concentrés par kg de matière grasse est plus bas!

En résumé, une faible productivité ne peut pas se justifier par la soi-disant recherche d’une meilleure marge au kg de matière grasse, pas plus qu’une productivité supérieure ne justifie des coûts de concentrés élevés.

Tableau 1. PARAMÈTRES TECHNIQUES ET TECHNICO-ÉCONOMIQUES

Niveau de marge alimentaire (strates de 20%)

0-20

21-40

41-60

61-80

81-100

Moyenne

Nombre de troupeaux

126

126

127

126

126

631

Nombre de vaches par troupeau

62,0

64,7

76,1

81,0

91,8

75,1

Marge alimentaire ($/va/an)

3 739

4 620

5 051

5 471

6 131

5 002

Valeur du lait ($/va/an)

5 993

6 971

7 460

7 884

8 550

7 372

Coût d’alimentation ($/va/an)

2 254

2 351

2 409

2 414

2 419

2 369

Marge alimentaire ($/kg MG)

11,36

12,14

12,41

12,73

13,08

12,34

Valeur du lait ($/kg MG)

18,26

18,30

18,32

18,33

18,26

18,30

Coût d’alimentation
($/kg MG)

6,90

6,17

5,91

5,61

5,18

5,95

Coût des concentrés
($/kg MG)

3,56

3,13

3,02

2,88

2,70

3,06

Lait (kg/va/an)

8 145

9 420

10 062

10 593

11 436

9 931

Gras (kg/va/an)

328

381

407

430

468

403

Gras (%)

4,04

4,05

4,05

4,04

4,04

4,04

 

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Par Jean-Philippe Laroche, agr., M. Sc.
La valorisation des fourrages par les ruminants est un sujet particulièrement passionnant pour Jean-Philippe, qui a grandi sur une ferme laitière. Diplômé en agronomie de l’Université Laval en 2018 et membre de l’Ordre des agronomes, il a également complété une maîtrise en sciences animales, durant laquelle il a reçu plusieurs distinctions.
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