Produire du lait payant en 2021

La nouvelle politique de paiement des composants du lait selon le ratio SNG/G entrera en vigueur le 1er aout 2021. En tant que gestionnaire de troupeau, pour maximiser la valeur du lait produit, il sera alors primordial de maintenir un taux de gras supérieur à 4,1 kg/hl. Quelles sont les stratégies liées à la régie, à l’alimentation et à la génétique pour y arriver?

Le ratio SNG/G

Rappelons que la nouvelle politique vise un meilleur arrimage entre les besoins du marché et la composition du lait produit à la ferme. Elle a aussi pour objectif de maintenir l’équité entre les producteurs dans un contexte de surplus de solides non gras. 

La nouvelle politique de paiement améliorera certainement le prix du lait à la ferme lorsque le ratio sera de près de 2,0. Toutefois, la variation du prix entre un ratio de 2,0 et 2,3 sera faible. Ainsi, l’avantage du système actuel de produire un lait atteignant près de 2,3 de ratio disparaîtra en grande partie. Comme la variation de prix est faible, il vaut mieux produire selon un ratio plus bas afin d’éviter de se retrouver au-delà de 2,3 où les solides non gras ne sont pas payés. Le graphique 1 illustre la modélisation du nouvel environnement de rémunération. Les prix en vigueur dès le 1er aout 2021 seront différents. Aussi, les prix internationaux et américains des SNG peuvent influencer le modèle et le nouvel accord Canada–États-Unis–Mexique nous impose un plafond à l’exportation de solides non gras. Le modèle peut donc évoluer dans le temps en fonction de tous ces facteurs. À cet effet, il sera utile de lire les communications des PLQ au cours des prochains mois. 

Il est évident que la production de gras devient encore plus importante et c’est ce que veut le marché. Pour maximiser la valeur du lait produit, il sera primordial de maintenir un taux de gras supérieur à 4,1 kg/hl qui facilitera le maintien d’un ratio inférieur à 2,3.

À ne pas négliger: la sélection génétique pour le gras

La sélection génétique du troupeau est primordiale pour favoriser les performances et l’atteinte d’un meilleur prix du lait, l’héritabilité du taux de gras étant très élevée : environ 50 %!

Les spécialistes en génétique affirment que la sélection génétique doit prioriser un indice global de sélection tel que l’indice de profit à vie (IPV) ou le Pro$. L’objectif étant d’élever des vaches payantes, qui produisent efficacement les plus hauts volumes de gras et de protéine durant leur vie productive. Toutefois, dans le contexte d’une révision des objectifs de sélection, il sera de mise d’analyser la génétique selon des critères spécifiques, tels que le taux et le rendement de gras du troupeau. 

Le rapport inventaire génétique du troupeau

Le rapport d’inventaire génétique du troupeau répond bien au besoin de faire un constat. Les moyennes du troupeau de vaches actives et des génisses sont affichées au bas des listes. Le rapport indique aussi le classement du troupeau exprimé en rangs centiles (% RC) de la sélection génétique du troupeau pour les principaux caractères, tels que les rendements en lait, en gras et en protéine. 

Le tableau ci-dessus présente deux troupeaux ayant des profils bien distincts. 

Les vaches du premier troupeau présentent un indice moyen de + 2 kg de gras et de – 0,05 %. Avec un rang centile de 37 % pour le gras, il s’agit d’un troupeau inférieur à la moyenne pour ce caractère. 

Les vaches du deuxième troupeau obtiennent un indice de + 38 kg de gras et de + 0,10 %. Le rang centile selon le rendement en gras étant à 70 %, il s’agit d’un troupeau supérieur à la moyenne pour ce caractère. 

La génétique ne dit pas tout, mais un test de gras au réservoir de 4,1 kg/hl en moyenne pour 12 mois sera beaucoup plus facile à atteindre pour le deuxième troupeau.

Dans le cas du premier troupeau, il faut reconnaître que la sélection s’est intensifiée vers de meilleurs taureaux et génisses selon le gras. Ainsi, les deux troupeaux montrent des génisses ayant des indices similaires. 

Contrairement à l’amélioration de la régie et de l’alimentation, la sélection génétique ne donne souvent pas de résultats instantanés. En revanche, dans le cas de critères à héritabilité élevée comme le taux de gras, l’impact se fera sentir dès la prochaine génération du troupeau. Il est judicieux d’agir maintenant en prévision des années à venir.

Le test de gras, souvent une question d'équilibre

Tous les producteurs visent un bon test de gras. Cependant, plusieurs facteurs entrent en jeu pour y parvenir. Si on retranche les facteurs de la génétique, de la race, des parités et des saisons, il nous reste deux éléments majeurs à explorer : l’alimentation et la régie du troupeau. 

Lorsqu’un déséquilibre n’est pas compensé par l’amélioration d’un autre facteur, il y a une baisse du taux de gras. Prenons, pour exemple, une situation où la ration est légèrement
élevée en amidon, sans trop de gras insaturés (AGIR) ni d’ionophores à laquelle on ajoute seulement des éléments tampons. À la mangeoire, on n’observe aucun tri et tous les facteurs de régie sont normaux. Dans ces conditions, le test de gras ne sera probablement pas affecté. Par contre, s’il y a un déséquilibre, comme une ration non homogène et des vaches qui trient, on peut s’attendre à une baisse du taux de gras.

Une balance pour chaque ferme

Chaque ferme a ses propres conditions de régie et d’alimentation avec leurs avantages et inconvénients. Comme la plupart affichent de bons composants du lait, on peut supposer que tous les critères sont en équilibre. La quantité de gras insaturés (AGIR) dans la ration est un bel exemple d’équilibre qui peut varier selon la ferme. Deux kilos de fève soya non traitée dans la ration peuvent faire chuter le test de gras dans une ferme, mais pas dans une autre. La ferme qui maintient son test de gras a de bons fourrages et la quantité d’amidon dans sa ration est plus basse, la longueur de coupe de ses ensilages est parfaite et la fibre efficace remplit son rôle. La gestion de la mangeoire est bonne, il y a des refus tous les matins et les vaches ne trient pas. Le pH ruminal est stable et l’équilibre est maintenu. Même si la quantité de gras insaturés est un facteur de risque, de nombreux éléments dans cet exemple compensent, de sorte que la ferme est encore en équilibre. 

Si un élément dans la régie ou la ration perturbe l’équilibre, et il arrive qu’on ne puisse pas changer la situation, il faut regarder ce qu’on peut faire avec les autres éléments pour trouver un nouvel équilibre

Ratio SNG/G au cours de l'été

On sait que la chaleur et le stress thermique influencent les composants du lait, mais pour le ratio, ça ressemble à quoi? Le graphique 2 utilise les valeurs provinciales moyennes pour chaque mois de l’année 2019 et 2020. 

Comme on le voit, le ratio provincial SNG/G augmente en fonction des saisons. Cela s’explique en grande partie par la baisse du test de gras au cours de la saison chaude. De plus, nous avons eu un été beaucoup plus chaud en 2020 comparativement à l’année précédente. La variation du ratio a été en hausse de 0,05 en 2019 et 0,08 en 2020. Il est donc sage de se maintenir autour de 2,20-2,25 si on veut éviter d’excéder le ratio de 2,3 durant les mois d’été. De plus, tous les efforts déployés pour l’amélioration de la ventilation dans les étables vont aussi minimiser la hausse du ratio au cours de la période estivale. 

Il y a donc plusieurs opportunités de gestion de troupeau qui favorisent le maintien d’un test de gras de 4,1 kg/hl en toute saison. Plusieurs facteurs interagissent et il sera pertinent de voir les possibilités d’améliorations sous plusieurs angles.

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Par Gervais Bisson, agr.
Diplômé en agronomie de l’Université Laval, Gervais cumule un bagage de plus de 22 ans d’expertise en alimentation des bovins laitiers avant de se joindre à notre équipe. En tant qu’expert en production laitière - robots de traite, il contribue activement comme expert conseil et auteur à l’avancement de l’industrie de la production laitière.
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