La réduction des émissions de méthane des bovins laitiers

Des modifications dans l’alimentation des vaches et la sélection génétique sont des stratégies prometteuses pour réduire les émissions de méthane.

Ce n’est un secret pour personne, les émissions de gaz à effet de serre représentent une source de préoccupation croissante partout dans le monde. Pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, le Canada s’est fixé comme objectif de réduire, d’ici 2030, ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % à 45 %, comparativement à celles de 2005. Les GES générés par le secteur agricole canadien représentent 10% des émissions totales du pays.

Les gaz à effet de serre émis par les bovins laitiers sont l’oxyde nitreux et le méthane par le biais de la gestion du fumier. Le méthane est aussi émis durant le processus de digestion (fermentation entérique) par des microbes dans le rumen. Les vaches laitières convertissent des matières non digestibles en énergie et en protéine utilisables pour la production de lait, et tout méthane produit est considéré comme une perte d’énergie.

À l’échelle canadienne, les émissions provenant de la digestion du bétail comptaient pour 41 % du total des émissions agricoles en 2019. Avec un potentiel de réchauffement mondial 30 fois plus élevé que le dioxyde de carbone, la réduction des émissions de méthane des bovins laitiers est une cible importante pour réduire l’empreinte carbone du secteur agricole. Beaucoup de travail a d’ailleurs déjà été accompli, l’empreinte carbone de la production laitière a en effet diminué de 24 % entre 1990 et 2019.

Des stratégies visant la réduction des émissions de méthane des bovins laitiers peuvent être envisagées à travers la nutrition et la génétique. Des modifications aux compositions et aux additifs alimentaires ont déjà fait leur preuve. De plus, d’autres recherches sont en cours pour élaborer de nouvelles stratégies alimentaires. 

En génétique, nous pouvons élever de manière sélective des vaches qui émettent moins de méthane tout en améliorant d’autres caractères génétiques économiquement importants.

1. Stratégies nutritionnelles

La composition et la qualité des aliments affectent la fermentation dans le rumen et le rendement en énergie et en méthane qui en découlent. Des modifications aux compositions alimentaires ont été effectuées pour augmenter la production de lait tout en diminuant la quantité d’aliments requis et subséquemment la quantité de méthane émis. 

Les stratégies nutritionnelles visant à réduire le méthane entérique comprennent l’amélioration de la qualité des fourrages, l’alimentation de précision et l’augmentation de la digestibilité de l’amidon. Par exemple, le fait d’augmenter la digestibilité réduit la quantité de méthane produit par unité d’aliments consommés. 

L’ensilage de maïs est une autre stratégie d’atténuation répandue, parce qu’il contient de plus grandes quantités d’amidon, reconnu pour améliorer la production de lait et par conséquent réduire l’intensité des émissions de méthane. 

Des additifs alimentaires comme des inhibiteurs de méthane et ceux qui modifient l’environnement du rumen sont aussi des stratégies prometteuses. Les additifs les plus intéressants pouvant réduire le méthane à des degrés variables sont le 3-nitrooxypropanol (3NOP), les huiles essentielles et les macroalgues (Asparagopsis spp.). Les nutritionnistes et les conseillers peuvent vous aider à trouver la meilleure approche pour optimiser la production et réduire les émissions de méthane de vos animaux.

2. Stratégies génétiques

Les effets de la sélection génétique ont été grandement étudiés chez les bovins laitiers. Le taux plus élevé de gain génétique pour la plupart des caractères faisant l’objet d’une sélection, la précision accrue des évaluations génétiques et la capacité de sélectionner en fonction de caractères novateurs sont quelques-uns des bénéfices observés. Par rapport aux stratégies nutritionnelles, les solutions génétiques entraînent un progrès à long terme et ont par conséquent tendance à être plus rentables au fil du temps. La question est de savoir si nous pouvons utiliser la sélection génomique pour élever des vaches qui émettent moins de méthane.

La réduction des émissions de méthane à long terme pourrait passer par la sélection génétique en fonction de caractères comme l’efficience alimentairela fertilité, la longévité ou la santé. Par exemple, l’efficience alimentaire est la mesure de la capacité d’un animal à convertir les aliments en lait. Si nous élevons des vaches qui transforment les aliments plus efficacement, nous pouvons alors réduire le rendement en méthane d’un animal.

Lactanet a d’ailleurs publié les évaluations de l’efficience alimentaire d’animaux holsteins en 2021 et des projets sont en cours pour bientôt les inclure dans les indices de sélection nationaux – l’IPV et Pro$. 

Le progrès issu de la sélection génétique est permanent et cumulatif, la sélection de vaches qui émettent moins de méthane est donc une autre approche prometteuse pour la réduction des émissions. Plusieurs critères liés à l’émission de méthane sont à l’étude pour définir les meilleurs en vue de leur inclusion dans les indices de sélection. Parmi ceux-ci, mentionnons :

  1. Production de méthane : la quantité de méthane produit (g) par jour
  2. Rendement en méthane : la quantité de méthane produit (g) par kg MS 
  3. Intensité en méthane : la quantité de méthane produit (g) par kg de lait par jour

Recherche en cours

Les émissions de méthane des bovins peuvent toutefois être coûteuses et difficiles à mesurer à la ferme, ce qui représente un défi pour leur incorporation dans des programmes d’élevage canadiens. Dans un contexte de recherche, la quantité de méthane peut être évaluée au moyen d’un système GreenFeed, qui mesure les émissions d’un animal à chaque visite au poste d’alimentation

Le système GreenFeed est utilisé pour mesurer les émissions d’un animal à chacune de ses visites au lieu d’alimentation.

Les émissions de méthane des bovins peuvent toutefois être coûteuses et difficiles à mesurer à la ferme, ce qui représente un défi pour leur incorporation dans des programmes d’élevage canadiens. Dans un contexte de recherche, la quantité de méthane peut être évaluée au moyen d’un système GreenFeed, qui mesure les émissions d’un animal à chaque visite au poste d’alimentation. D’autres solutions plus économiques mesurent le méthane avec une précision semblable ou accrue, notamment l’utilisation de la spectroscopie à infrarouge moyen (MIR) et de renifleurs d’émissions dans des troupeaux robotisés. Dans l’ensemble, un volume élevé de données qui sont bien corrélées est essentiel aux programmes d’évaluation génétique. Des recherches sont menées partout au pays dans un effort visant à recueillir les données de production de méthane auprès d’un grand nombre d’animaux.

Par exemple, un projet international mené par le Canada, le Resilient Dairy Genome Project, est en cours et vise à réduire les émissions de méthane et améliorer l’efficience alimentaire au moyen de la génomique. Des résultats préliminaires indiquent que l’élevage d’animaux en fonction de la réduction des émissions de méthane peut diminuer les émissions de 11 à 26 %. 

Références

A. N. Hristov et autres (novembre 2013). SPECIAL TOPICS — Mitigation of methane and nitrous oxide emissions from animal operations: I. A review of enteric methane mitigation options, Journal of Animal Science, vol. 91, p. 5045-5069.

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Par Hannah Sweett, Ph. D.
Hannah a découvert sa passion pour l'agriculture pendant ses études de premier cycle à l'Université de Guelph et grâce à son expérience professionnelle dans l'industrie laitière. Elle est titulaire d'un B.Sc. en biologie moléculaire et génétique ainsi qu’un doctorat en génétique animale axé sur l'amélioration génétique de la fertilité des bovins laitiers.