Comment faire pour affronter un automne qui s’annonce difficile?

Sans vouloir tourner le fer dans la plaie, on sait tous que l’automne est une période difficile du côté des liquidités : la culture des champs draine beaucoup d’argent d’avril à octobre alors que les livraisons de lait sont souvent à leur plus bas niveau à la fin de l’été. Dans le contexte actuel, avec l’inflation du prix des intrants et les hausse de taux d’intérêts, l’automne 2022 s’annonce particulièrement ardue.

La clé : être proactif

Ainsi, à défaut de pouvoir éviter la tempête, essayons au moins de minimiser les dégâts.  La plupart des solutions demandent quelques mois avant de livrer tous leurs bénéfices.  C’est donc maintenant qu’il faut les mettre en place.  On commence où? 

Est-ce que certaines choses qu’on fait par habitude mériteraient d’être revues?    

L’élevage des sujets de remplacement

On a beaucoup investi du côté confort pour les animaux et les choix génétiques mettent aussi l’accent sur la longévité des vaches.  Pourtant les statistiques du contrôle laitier de 2021 présentent un taux de réforme et un pourcentage de vaches de 3e lactations et plus semblables à ce qu’on retrouvait il y a 15 ans.   Est-ce qu’on aurait oublié d’ajuster le nombre de sujets gardés pour l’élevage en conséquence?  Ne serait-ce pas un excellent endroit pour réduire les sorties d’argent à chaque mois sans avoir d’impact significatif sur les revenus de la ferme? 

Exemple de la ferme des Cent vaches Inc

La ferme affiche un taux de réforme et un pourcentage des vaches en 3e lactation et plus identiques à la moyenne provinciale 2021.  Les producteurs ont cependant amélioré leur programme d’élevage et affichent maintenant un âge moyen au 1er vêlage à 24,5 mois.   Ceci leur permet de maintenir un ratio génisses/vaches de 0,74 (74 génisses en inventaire / 100 vaches en production).  Ils sont donc assez satisfaits de leurs résultats.  

Le renouvellement des prêts prévu à la fin de l’été les inquiète cependant beaucoup plus.  Pourrait-on aller récupérer un peu de marge du côté de l’étable à taures? 

Une petite analyse rapide avec leur conseiller Lactanet révèle un potentiel sous-utilisé :  la croissance actuelle des génisses leur permettrait de les saillir 1,5 mois plus tôt qu’avant. Avec l’état de santé du troupeau, les vaches pourraient facilement faire une demi-lactation de plus en moyenne. Le taux de réforme actuellement à 34 % serait réduit à 28 %. Ça permettrait d’élever moins de génisses pour assurer la relève du troupeau. En misant sur ces deux éléments, le ratio génisses / vaches du troupeau passerait à 0,58.  Mais est-ce que ça laisserait réellement plus d’argent dans le compte de banque de la ferme dans le contexte de prix actuel?  Le graphique suivant répond à cette question : 

Graphique 1. Liquidités dégagées1 en fonction du ratio génisses / vaches
1 Ventes vaches de réforme et veaux moins achats d’aliments, frais vétérinaires, insémination, litière et enregistrements

Selon ce graphique, les changements proposés feraient passer les liquidités dégagées de 0,15 $/kg de m.g. à 0,26 $/kg.  Donc même sans réduire les salaires, les frais des bâtiments et le coût des fourrages, on verrait des retombées positives dans le compte de banque.  

Rome ne s’est pas faite en un jour

La méthode des petits pas n’a rien de spectaculaire, mais c’est le meilleur moyen d’avancer dans la bonne direction. Leur conseiller leur suggère simplement deux actions à mettre en place dès maintenant : 

  1. Garder en moyenne 2,3 femelles nées par mois plutôt que 3 comme actuellement.  Ajuster la stratégie de reproduction en conséquence.  Les écographies pourront aider à éviter des mauvaises surprises. 
     
     
  2. Saillir toutes les génisses dès qu’elles ont atteint le poids requis (55% du poids mature).  

L’impact sur les liquidités sera négligeable au début: 1 veau vendu en plus, des frais d’enregistrement en moins, moins de lacto-remplaceur, de vaccins, etc. Mais après quelques mois, on verra aussi le nombre de génisses diminuer dans les autres groupes :  moins de moulée début, de supplément, de saillies, etc.  

Ainsi, d’un montant d’argent insignifiant pour le premier mois, en moins d’un an on en arrivera à améliorer les liquidités de la ferme d’environ 600 $/mois .  L’année prochaine, on pourra aussi ajuster les superficies en fourrages selon le nouvel inventaire de génisses et les hectares libérés pourront être transférés vers les grandes cultures.  

Les petites actions d’aujourd’hui peuvent mener à de grands résultats positifs dans le futur. Ne craignez pas de faire des changements maintenant en pensant au long terme. Vous vous remercierez! 

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Par René Roy, agr.
Conférencier et auteur, René est agroéconomiste au sein de l’équipe innovation et développement de Lactanet depuis 2007 et a collaboré au développement de plusieurs formations pratiques, notamment Produire du lait et faire de l’argent et Nées pour faire de l’argent.