Des stratégies pour avoir un test de gras rentable

À partir du 1er aout 2022, le ratio SNG/G maximum passera de 2,30 à 2,25. Quelles stratégies peuvent être mises en place à la ferme pour maintenir un taux de gras adéquat et maximiser la valeur du lait?

La demande pour la matière grasse et la protéine est très soutenue, mais ce n’est pas le cas pour le lactose. La teneur en lactose du lait varie très peu. Pour diminuer la production de lactose (en tonnes par année), il faut livrer un lait riche en matière grasse d’abord, puis en protéine. Cet article traitera du taux de matière grasse, car dans l’équation du calcul du ratio SNG/G, c’est lui qui a le plus d’influence.

Il est impossible de couvrir dans le détail tous les éléments ayant une influence sur le test de gras de votre troupeau. La ventilation, l’espace à la mangeoire, la disponibilité de l’eau, la séquence des repas et le tri ne sont que quelques-uns des multiples facteurs pouvant expliquer un test de gras en deçà des attentes. 

Nous nous limiterons à quatre paramètres techniques faciles à mesurer et qui peuvent avoir des conséquences importantes sur les résultats.

M.  Alain Bourbeau, directeur général des PLQ maintenant à la retraite, nous le répétait : c’est une tendance lourde. On en comprenait que les besoins du marché quant à la composition du lait n’allaient pas changer au gré du vent. Il avait raison. La première règle relative au ratio solides non gras (SNG) a été mise en place en 2004 et ça se poursuit. 

Répondre le mieux possible aux besoins du marché, c’est gagnant pour tous !

1. La génétique

L’importance de la génétique est indéniable. L’héritabilité pour le taux gras est très élevée, elle se situe aux alentours de 50 %. C’est une caractéristique facile à améliorer comparée à d’autres, comme la conformation. En d’autres mots, la vache qui présente un indice de – 0,50 % pour le gras, accouplée avec un taureau à + 0,50 % engendrera une fille avec un indice génétique proche de la moyenne nationale.

Il est extrêmement important de connaître le potentiel génétique des sujets de votre troupeau. Une solide génétique ne garantit pas un taux de matière grasse élevé dans le lait, parce que bien d’autres facteurs interviennent.

Cependant, un troupeau avec un indice génétique disons de – 0,20 % n’a pas ce qu’il faut pour espérer atteindre facilement un test de gras de 4,0 kg/hl et plus. 

Ce n’est pas le cas du troupeau rapporté au tableau 1. Son indice pour le gras (+ 0,11 %) est nettement supérieur à la moyenne nationale (+ 0,03 %). 

TABLEAU 1. EXTRAIT DU RAPPORT D’INVENTAIRE GÉNÉTIQUE D’UN TROUPEAU AVEC UN SOLIDE BAGAGE GÉNÉTIQUE

Au fil des ans, des outils ont été conçus pour aider les producteurs à améliorer leur maîtrise du développement génétique de leur troupeau. Parmi ceux-ci se trouve l’application Compass créée conjointement par Holstein Canada et Lactanet.

Les figures 1 et 2 sont tirées de cette application et présentent les données de deux troupeaux. Lequel est en meilleure position pour maintenir un ratio SNG/G proche des besoins du marché? Le troupeau A, bien sûr. La déviation pour le gras de ses sujets enregistrés depuis 2016 (ligne bleue) dépasse le rang centile 90 de la race.

FIGURE 1. DÉVIATION POUR LE GRAS AU FIL DES ANS DANS LE TROUPEAU A

Ligne rouge : moyenne nationale

FIGURE 2. DÉVIATION POUR LE GRAS AU FIL DES ANS DANS LE TROUPEAU B

Ligne rouge : moyenne nationale

2. La consommation de matière sèche en fourrages

La vache est un ruminant! le fourrage est à la base de son alimentation.
Une ration mixte (fourrages et concentrés) permet à la vache de supporter de plus fortes productions que le seul besoin de nourrir son veau. Il faut revenir à la base. Les fourrages sont essentiels à la rumination. La rumination est essentielle à la santé de la flore microbienne. La flore microbienne du rumen est essentielle au rôle joué par la vache sur notre planète, incluant la digestion de la cellulose et l’hémicellulose pour en produire des nutriments utiles aux humains. La plupart des producteurs connaissent maintenant PROFILab. Les acides gras de novo, mesurés dans chaque échantillon de lait du réservoir, permettent justement d’évaluer la santé ruminale des vaches. 

Nous vous proposons une manière simple de mesurer la consommation de matière sèche en fourrages, soit des kilogrammes par vache et par jour. Rien que ça. Pas d’équation compliquée. Vous comprendrez que les fermes qui donnent des ensilages hachés (silos verticaux, horizontaux, meules, etc.) auront besoin de la matière sèche des ensilages (testeur d’humidité nécessaire).

Pour les rations qui incluent des ensilages en grosses balles (rondes ou rectangulaires), nous disposons d’un outil de calcul du poids de la balle en kilogrammes de matière sèche. Il suffit d’avoir le format de la balle, le nombre de couteaux sur la presse, le nombre de balles soignées aux vaches en lactation par semaine et le nombre de vaches en lactation (voir le tableau 2). Les valeurs visées (kg/jour/vache) varient selon la race : 16 kg et plus pour la holstein, 15 kg et plus pour la ayrshire, 18 kg pour la suisse brune, 13 kg et plus pour la jersey et la canadienne. Et plus on a d’ensilage de maïs dans notre ration, plus la quantité visée sera élevée.

Si la consommation de matière sèche en fourrages est inférieure aux valeurs visées, il faut chercher les causes. La liste est longue. Il y a la qualité et la conservation des fourrages, la régie de la mangeoire, la séquence des repas, la quantité de sel dans la ration, etc. Il faut continuer de chercher tant qu’on n’a pas trouvé.

TABLEAU 2. EXEMPLE DE CALCUL DE LA CONSOMMATION DE MATIÈRE SÈCHE EN FOURRAGES POUR UNE FERME AVEC DES ENSILAGES HACHÉS
Aliment% matière sècheKg par jourKg matière sèche
Ensilage 1re coupe40 %15 kg6,0 kg
Ensilage de maïs35 %20 kg7,0 kg
Foin90 %1 kg0,9 kg
Total 36 kg13,9 kg

3. La fibre efficace

Un troupeau qui a une bonne génétique une consommation de matière en fourrages exceptionnelle pourrait malgré tout afficher un test de gras décevant au réservoir. Pour les ensilages d’herbe hachés, plus de 10 facteurs influencent le résultat final et la longueur théorique de hachage.

L’ajustement de la fourragère n’est qu’un des facteurs. La grosseur de l’andain a un grand impact. Sur le terrain, il est possible d’évaluer le hachage avec le séparateur de particules Penn State. La fibre efficace, ce sont les particules que l’on retrouve sur les deux tamis supérieurs. Un article publié, il y a quelques années déjà, dans cette revue rapportait à quel point la proportion de fibre efficace varie d’un ensilage à l’autre. À la ferme G (figure 3), le potentiel de rumination de l’ensilage de 2e coupe est bien supérieur (73 % vs 50 %) à celui de la 1re coupe.

FIGURE 3. ÉVALUATION DE LA TAILLE DES PARTICULES DES ENSILAGES DE 1re ET 2e COUPE DE LA FERME G

4. Le ration lait/concentrés

Un autre paramètre technique utile optimiser son test de gras est lait/concentrés. Il est facile à calculer et donne un son de cloche sur plusieurs questions : la ration est-elle bien balancée, qu’en est-il de la qualité des fourrages, les quantités de concentrés sont-elles correctes?

Dans la base de données de Lactanet, le ratio lait/concentrés est d’environ 3,30/1,0 depuis l’hiver 2010-2011. Le portait à la ferme R (tableau 3) n’est pas celui que l’on souhaite. Un ratio de 2,44 est trop bas. Il reste maintenant à déterminer quelles en sont les causes. 

TABLEAU 3. CALCUL DU RATIO LAIT/CONCENTRÉS POUR LA FERME R
Lait livré (litres par jour)2 412 litres

Orge dans la RPM (kg/jour)

Minéral dans la RPM (kg/jour)

Aliment robot (kg/jour)

272 kg

12 kg

704 kg

Total des concentrés (kg/jour)988 kg
Ratio lait/concentrés2,44 litres/kg

Dans ce cas-ci et au moment de la visite à la ferme, la consommation de matière sèche en fourrages était de 12,3 kg et on se rappelle que pour la holstein, on doit viser 16 kg.

Plan d’action pour un test de gras rentable

  • Consulter le rapport Inventaire génétique du troupeau afin de connaître son indice génétique pour le gras
  • Utiliser Compass pour le suivi de l’évolution de son indice génétique pour le gras
  • Calculer sa consommation de matière sèche en fourrages
  • Utiliser régulièrement des séparateurs de particules
    (ex. : Penn State) pour connaître la fibre efficace de
    ses fourrages – particules des deux premiers tamis
  • Calculer son ratio lait/concentrés
  • Être attentif aux autres facteurs qui peuvent influencer le test de gras – ex. : la ventilation, l’espace à la mangeoire, la disponibilité de l’eau, la séquence des repas, le tri, etc.
  • Ne pas hésiter à demander de l’aide à votre technicien
    ou conseiller Lactanet

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Par Jean Brisson, agr.
Vulgarisateur hors pair, conférencier et auteur de multiples publications touchant la production laitière, Jean contribue activement comme conseiller stratégique à l’avancement de l’industrie de la production laitière.
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