Comment la semence de boucherie modifie les troupeaux laitiers

L’industrie laitière connait une transformation importante de ses stratégies génétiques, grâce aux progrès de la génomique, à l’adoption généralisée de la semence sexée et à l’utilisation croissante de la semence des taureaux de boucherie. Grâce à la génomique, nous pouvons évaluer plus précisément le potentiel génétique des troupeaux, ce qui permet l’utilisation sélective de semence sexée chez les femelles les plus performantes. Entre-temps, l’introduction de semence de taureaux de boucherie dans les fermes laitières a permis la reproduction efficace des femelles restantes. Cette interaction dynamique modifie le regard des producteurs voulant qu’ils soient uniquement des producteurs « laitiers » tout en influençant la gestion des troupeaux et en stimulant la profitabilité dans l’ensemble du secteur laitier.

Le choix entre la semence laitière et de boucherie

En 2013, seulement 2 % des femelles Holstein étaient inséminées avec de la semence sexée au Canada. Une décennie plus tard, ce pourcentage a augmenté à 18 %, garantissant le nombre nécessaire de génisses de remplacement nées à la ferme tout en optimisant la qualité génétique des futurs remplacements. Cette garantie réduit aussi le nombre d’animaux achetés et le risque que des maladies infectieuses s’introduisent dans le troupeau. Lorsqu’il n’y a pas de besoin ou d’intérêt d’élever à partir de certaines femelles, de plus en plus de producteurs optent pour la semence de bœuf afin d’augmenter la valeur de vente des veaux qui en résultent. La tendance dans l’utilisation de semence de boucherie s’est accrue dans toutes les principales races laitières, notamment dans les races Ayrshire, Holstein et Jersey. En 2023, la semence de boucherie était utilisée pour l’insémination de 39 % des femelles Ayrshire, 29 % des Holstein et 25 % des Jersey au Canada. De plus, en 2022, 60 % des producteurs laitiers avaient utilisé au moins un taureau de boucherie, un pourcentage qui a doublé depuis 2000 et qui devrait continuer à augmenter dans les années à venir.

Comme on pourrait s’y attendre, le choix entre la semence laitière et de bœuf (conventionnelle ou sexée) dépend fortement du nombre de lactations et d’inséminations. Dans la Figure 1, qui présente les inséminations depuis 2021, 85 % des femelles à leur premier vêlage ont été inséminées avec la semence laitière alors que les 15 % restantes ont été inséminées avec la semence de boucherie. De même, la Figure 2 indique le type de semence utilisée depuis 2021 par nombre d’inséminations, alors que la semence laitière est utilisée pour 78 % des inséminations. L’utilisation de semence laitière diminue graduellement avec le nombre de lactations et d’inséminations ultérieures. À compter de la huitième lactatation, la semence de bœuf est utilisée pour 38 % des inséminations. De même, à partir de la septième insémination, l’utilisation de semence laitière diminue à 45 % la semence de boucherie devenant plus dominante à 55 %.

Figure 1. Répartition du type de semence utilisée au Canada depuis 2021 selon le nombre de lactations

Figure 2. Répartition du type de semence utilisée au Canada depuis 2021 selon le nombre d’inséminations

L’utilisation stratégique de semence laitière chez les plus jeunes vaches et pour les premières inséminations souligne encore une fois le potentiel de maximiser l’amélioration génétique des génisses de remplacement. De plus, comme le coût de la semence laitière a doublé depuis 2010, atteignant une moyenne de 45 $ pour la semence conventionnelle et de 64 $ pour la semence sexée en 2023, il est important pour favoriser le bénéfice net d’utiliser la semence laitière seulement chez les animaux les plus performants. Si la vache a été inséminée plusieurs fois ou si elle est plus âgée avec une génétique inférieure, la semence de boucherie peut être utilisée pour minimiser les coûts à 22 $ en moyenne (pour la semence de bœuf conventionnelle) et générer de la valeur sur le marché de la viande de bœuf.

Choisir le bon taureau de boucherie

Depuis l’introduction de la semence de boucherie dans l’industrie laitière, les taureaux de race Angus ont toujours été les plus utilisés, représentant 80 % des inséminations de bœuf sur lait en 2024. Les animaux Angus sont favorisés par une courte période de gestation, soit 279 jours en moyenne lors d’un croisement avec une mère Holstein, ainsi que par un poids plus faible à la naissance, un bon persillage et un poids de carcasse élevé. Chaque race de boucherie a toutefois ses propres forces qui pourraient être idéales pour la race du troupeau laitier et le marché de veaux croisés. Par exemple, la race Limousine utilisée pour 10 % des inséminations boeuf sur lait en 2023, excelle dans l’efficience alimentaire ainsi que pour les faux-filet, un des facteurs qui influencent le classement des carcasses. La race Simmental offre aussi une grande surface de faux-filet, en plus d’une plus petite taille des veaux, d’une durée de gestation de 281 jours et de 84 % de naissances non assistées lorsqu’elle est croisée avec une Holstein. Même si certaines préoccupations ont été soulevées quant à la facilité de vêlage lors de certains croisements avec des races de boucherie, Lactanet a analysé des croisements de mères Holstein avec neuf différentes races de boucherie depuis 2021 et a constaté que la moyenne des vêlages sans assistance variait de 77 % pour les croisements avec la race Bleu Belge à 86 % avec la race Angus rouge. La taille des veaux est toutefois plus variable, les croisements avec la race Kobe Wagyu produisant les plus petits veaux et les croisements avec la race Charolaise les plus gros.

Quelle que soit la race que vous choisissez, il est aussi important de considérer la génétique au moment de prendre des décisions de sélection de taureaux. Les amateurs de sélection génétique peuvent utiliser les évaluations génétiques des taureaux de boucherie rendues disponibles par différentes organisations en Amérique du Nord. Ces évaluations diffèrent des valeurs d’élevage estimées (VÉE) en ce qu’elles sont publiées sous forme d’écarts prévus chez la descendance (ÉPD) et qu’elles prédisent la performance de la future progéniture d’un taureau par rapport à la progéniture d’autres taureaux. En d’autres mots, un ÉPD est la moitié d’une VÉE et est exprimé dans les unités de mesure de chaque caractère. Par exemple, la surface de faux-filet est exprimée en pouces carrés et décrit la différence entre la surface de faux-filet de la progéniture d’un taureau avec celle d’autres taureaux. Quand le génotype est disponible, les ÉPD deviennent des ÉPD génomiques améliorés (ÉPD-ÉG) et comme c’est le cas pour les VÉE laitières, la précision en est considérablement améliorée. Le fait de tenir compte des ÉPD-ÉG de boucherie dans votre programme d’élevage, pour les caractères comme le taux de conception, la facilité de vêlage et le poids à la naissance, vous permettra de maintenir production et performance. Toutefois, le fait d’aussi tenir compte des caractères liés au poids et à la qualité de la carcasse, à la croissance et à l’efficience vous permettra d’adapter la progéniture terminale aux préférences de votre acheteur et de maximiser votre rentabilité.

Pour contribuer davantage aux décisions de sélection de taureaux, Lactanet collabore avec Angus Genetics Inc (AGI) et l’Association canadienne Angus en vue de l’élaboration d’un nouvel outil de « recherche bœuf sur lait ». Angus Genetics Inc est un fournisseur mondialement reconnu d’évaluations génétiques dans la race Angus qui publie et calcule les ÉPD-ÉG pour les États-Unis, le Canada et l’Australie. L’entreprise publie aussi deux indices de sélection boeuf sur lait, Angus-Holstein ($AxH) et Angus-Jersey ($AxJ), pour prédire les différences de rentabilité chez la progéniture. Les caractères clés de ces indices sont, entre autres, la facilité de vêlage, la croissance de la naissance à la finition, l’ingestion alimentaire et la musculature. Le nouvel outil de « recherche boeuf sur lait » présentera les deux indices ainsi que plusieurs autres caractères des taureaux Angus canadiens et américains afin que vous puissiez faire confiance à vos décisions de sélection de taureaux de boucherie. Restez à l’affût d’autres renseignements sur ce nouvel outil bientôt disponible!

Sommaire

L’intégration de semence de boucherie dans les programmes d’élevage laitier a changé la donne dans l’industrie. En tirant parti de la génomique, vous pouvez prendre des décisions d’élevage plus éclairées, assurant le bon équilibre entre l’utilisation de semence sexée et de boucherie pour maximiser la performance et la rentabilité du troupeau. Quelle que soit votre race de boucherie privilégiée, la considération de caractères comme la facilité de vêlage, la qualité de la carcasse et la croissance vous permet de sélectionner les meilleurs taureaux en vue d’une progéniture terminale optimale. Alors que le marché des veaux de boucherie-laitier continue de se développer, les producteurs peuvent en tirer profit grâce à une bonne gestion!

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Par Hannah Sweett, Ph. D.
Hannah a découvert sa passion pour l'agriculture pendant ses études de premier cycle à l'Université de Guelph et grâce à son expérience professionnelle dans l'industrie laitière. Elle est titulaire d'un B.Sc. en biologie moléculaire et génétique ainsi qu’un doctorat en génétique animale axé sur l'amélioration génétique de la fertilité des bovins laitiers.
Par Allison Fleming Ph. D.