Des stratégies pour améliorer la survie à l’hiver des légumineuses

Les dommages que subissent les légumineuses durant l’hiver peuvent entrainer de lourdes conséquences financières pour les fermes laitières. La diminution du rendement est parfois si importante qu’il est nécessaire d’intervenir, par exemple en effectuant un sursemis ou en détruisant la prairie. Comment mettre toutes les chances de son côté pour éviter ce genre de situation?

Durant l’hiver, les plantes fourragères peuvent subir de nombreux stress : températures sous le point de congélation sans couverture de neige suffisante, excès d’humidité du sol, présence de glace, maladies.

Parmi les effets qu’auront les changements climatiques, les experts du climat prévoient une diminution de l’endurcissement au froid des plantes, une diminution de la couverture de neige, une augmentation des pluies hivernales et une augmentation des cycles gel-dégel. Avec ces changements, on s’attend donc à ce que la survie des légumineuses soit de plus
en plus difficile dans le futur. Afin d’aider nos légumineuses à passer l’hiver, plusieurs stratégies peuvent être appliquées.

Bien sélectionner ses semences

La survie à l’hiver varie énormément en fonction des espèces fourragères. Il est donc important de toujours choisir des espèces qui ont fait leurs preuves sous notre climat. Chez une espèce en particulier, les cultivars n’ont pas tous la même tolérance au froid. L’amélioration de la persistance des cultivars est en effet possible grâce à la sélection génétique. En choisissant des cultivars ayant un meilleur score de survie à l’hiver, on contribue à améliorer la résilience de nos prairies. Selon les chercheurs, la présence d’une ou plusieurs graminées favoriserait également la persistance du peuplement de légumineuse. Les mélanges fourragers nous démontrent encore une fois qu’ils sont avantageux par rapport aux cultures pures!

Le sol, un allié à ne pas oublier

Durant toute la vie productive de la prairie, le sol joue un rôle crucial pour la survie hivernale. Tout d’abord, un sol bien drainé améliorera la résistance au froid des plantes, diminuera l’étendue du gel dans le sol, et empêchera la formation de croûte de glace. Il faut donc éviter à tout prix les excès d’eau dans le champ. La fertilité du sol a également un rôle important à jouer. Plusieurs études ont démontré que le potassium (K) et le phosphore (P) ont un effet positif sur la résistance au froid des légumineuses. Toutefois, avant même de penser à fertiliser vos sols, assurez-vous que votre pH est adéquat. Fertiliser un sol avec un mauvais pH revient carrément à jeter de l’argent par les fenêtres, puisqu’un pH non optimal rend certains éléments fertilisants moins disponibles pour la plante. Pour les prairies, on recommande un pHeau entre 6,5 et 7,0. Consultez votre plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF) pour connaitre la quantité de chaux et de fertilisants à appliquer dans vos champs.

L'importance de la régie de coupe

La régie de coupe est l’élément ayant le plus gros impact sur la survie hivernale des légumineuses. En effet, les régies intensives réduisent la capacité des légumineuses à accumuler des réserves, ce qui a pour effet de diminuer leur persistance. De plus, la fauche automnale a un effet négatif sur la persistance des légumineuses : elle nuit également à l’accumulation de réserves des plantes, en plus de diminuer la capacité des champs à capter la neige, un isolant très efficace! 

Selon une étude récente ayant été réalisée au Québec, la fauche automnale génère seulement un bénéfice à court terme sur le rendement des prairies. Bien que cette pratique offre un rendement supplémentaire l’année où elle est adoptée, il n’y a pas d’effet positif sur le rendement global d’une prairie en production depuis quatre ans (voir le tableau 1). Cela s’explique par une diminution du rendement les années suivant une coupe automnale. La fauche automnale devrait donc seulement être réalisée en dernier recours. Si la fauche est absolument nécessaire, il faut laisser un chaume d’au moins 10 cm (4 pouces) pour capter un minimum de neige. Il faut aussi respecter un délai minimal de 50 jours entre la dernière fauche et la fauche automnale, ce qui laissera le temps à nos légumineuses de se faire un minimum de réserve pour passer l’hiver. 

Tableau 1. EFFETS DE LA RÉGIE DE COUPE SUR LE RENDEMENT, LA VALEUR NUTRITIVE, LA PRODUCTION DE LAIT ESTIMÉE À L’HECTARE ET LA PROPORTION DE LUZERNE DURANT LES QUATRE ANNÉES SUIVANT LA CONSTITUTION D’UN MÉLANGE FOURRAGER À BASE DE LUZERNE*.

 

VALEURS MOYENNES SUR QUATRE ANNÉES DE PRODUCTION

RÉGIE DE COUPE

RENDEMENT SAISONNIER

(T MS/HA)

UNITÉS NUTRITIVES TOTALES

(%)

PRODUCTION DE LAIT ESTIMÉE

(T/HA)

PROPORTION DE LUZERNE

(% MS)

Début bouton + fauche automnale

5,6

65,3

10,3

48

Début bouton

6,0

63,5

10,9

58

Début floraison + fauche automnale

7,9

60,6

13,4

60

Début floraison

8,1

58,2

13,4

72

* Données mesurées sur trois sites dans différentes régions du Québec.
Adapté de Bélanger et coll., 2020.

À retenir du tableau 1 : sur la durée de vie totale de la prairie, récolter au stade début floraison sans prélever de coupe automnale permet de maximiser la survie hivernale de la luzerne. De plus, cette stratégie maximise la production de lait par hectare, estimée à partir de la valeur nutritive et du rendement. 

RECOMMANDATIONS EN BREF

  • Sélectionner des espèces ayant démontré la capacité de survivre à nos hivers
  • Choisir un cultivar ayant une bonne survie à l’hiver
  • Semer une ou des légumineuses en association avec une ou plusieurs graminées
  • Vérifier/améliorer l’égouttement des sols
  • Fertiliser et chauler adéquatement ses champs : consulter le PAEF
  • Prioriser une fauche au stade début floraison de la luzerne
  • Éviter la fauche automnale, s’il n’y a pas d’autres choix :
    • Attendre au moins 50 jours après la fauche précédente
    • Laisser un chaume d’au moins 10 cm (4 pouces)
  • Considérer l’implantation de haies brise-vent pour favoriser
    l’accumulation de neige

Pour prendre des décisions éclairées dans une optique de rentabilité maximale pour l’entreprise, il est important de marcher dans vos prairies et vérifier comment elles se portent au printemps. 

Pour vous aider, n’hésitez pas à consulter cet article de nos archives : Est-ce que ma luzernière a survécu à l’hiver?

Accumuler plus de neige grâce aux haies brise-vent

Sur vos terres, le couvert de neige est mince et irrégulier parce que vos champs sont exposés à de grands vents? Planter une haie brise-vent pourrait être une solution intéressante. En effet, ce type d’aménagement permet de réduire la vitesse du vent, ce qui favorise l’accumulation de neige dans les champs.

Jacques Côté, un producteur laitier de la région du Centre-du-Québec, a décidé d’implanter plusieurs haies brise-vent dans ses parcelles. Parmi les raisons qui l’ont poussé à faire ce choix, l’amélioration du couvert de neige était un aspect important, surtout pour ses luzernières et ses céréales d’automne. « Une année, l’effet a été impressionnant », raconte le producteur laitier. Une jeune luzernière avait « brulé » en raison des conditions de l’hiver précédent. Non loin de là, dans un champ très similaire, une autre luzernière vieille de quatre ans avait très bien résisté à l’hiver. « La différence, c’est que la vieille prairie était
protégée par une haie brise-vent », poursuit-il. Les essais réalisés au Québec confirment les observations de M. Côté : le couvert de neige est supérieur et les rendements fourragers sont en moyenne plus élevés dans les parcelles protégées par une haie brise-vent.

Si ce type d’aménagement vous intéresse, il est recommandé de faire appel à un professionnel pour vous aider dans votre démarche (agronome ou ingénieur forestier). Sachez également qu’il existe du financement pour payer une partie des frais. Par exemple, le programme Prime-Vert finance jusqu’à 70 % des dépenses admissibles. Dans certains cas, jusqu’à 90 % des frais peuvent être couverts.

Depuis 2006, la ferme Bertco a implanté environ 6 km de haies brise-vent.
PHOTO : JACQUES CÔTÉ

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Par Jean-Philippe Laroche, agr., M. Sc.
La valorisation des fourrages par les ruminants est un sujet particulièrement passionnant pour Jean-Philippe, qui a grandi sur une ferme laitière. Diplômé en agronomie de l’Université Laval en 2018 et membre de l’Ordre des agronomes, il a également complété une maîtrise en sciences animales, durant laquelle il a reçu plusieurs distinctions.