D’où viennent les gaz d’ensilage et pourquoi sont-ils dangereux?

Chaque année, plusieurs cas d’intoxication aux gaz d’ensilage sont signalés au Québec. Une étude réalisée en 2016 par la Direction de la santé publique de la Montérégie a démontré que la majorité des producteurs connaissent les risques associés aux gaz d’ensilage. Malheureusement, la quasi-totalité (89 %) des producteurs sondés entre quand même dans le silo dans les périodes jugées à risque, et plus de la moitié (55 %) des producteurs ont admis avoir déjà ressenti des symptômes d’intoxication.

Ces données sont préoccupantes et montrent la nécessité de mettre l’accent sur la prévention des risques associés aux gaz d’ensilage. Avant de voir les mesures de préventions, voici quelques explications pour comprendre d’où viennent ces gaz, et pourquoi ils sont dangereux. 

Les plantes consomment rapidement tout l’oxygène du silo

L’ensilage est le résultat d’une transformation microbiologique qu’on connaît bien : la fermentation. Au tout début du processus, les plantes utilisent l’oxygène (O2) pour transformer les sucres en dioxyde de carbone (CO2) et en eau, tout en produisant de la chaleur. Ce phénomène se poursuit jusqu’à l’épuisement de l’oxygène dans le silo, ce qui peut nécessiter de quelques heures à une journée. L’oxygène sera ainsi remplacé par le CO2, un gaz inodore et incolore. Cette absence d’oxygène est dangereuse; une perte de conscience peut survenir en seulement une ou deux respirations. Comme le CO2 est un gaz plus lourd que l’air, il s’accumule à des endroits mal ventilés, comme la surface des ensilages et les salles d’alimentation où se trouvent les chutes de silo.

Une concentration élevée en nitrates dans les plantes favorise la production de gaz dangereux

Sous certaines conditions, des gaz toxiques peuvent également être produits dans le silo. Ce phénomène est causé par l’accumulation de nitrates (NO3-) dans les plantes fourragères (en particulier les graminées). Cela se produit lorsque les plantes sont incapables de transformer en protéines tous les nitrates extraits du sol par leurs racines. Tout ce qui favorise l’entrée importante de nitrates (p. ex. une fertilisation azotée élevée) ou qui diminue le taux de transformation de ceux-ci en protéines (p. ex. des conditions adverses de croissance) en favorisera l’accumulation dans la plante. Tous les types d’ensilages réalisés au Québec peuvent produire des gaz toxiques. L’ensilage de maïs est particulièrement à risque, étant donné l’application élevée d’azote sur cette culture.

Lorsque des plantes contenant une quantité élevée de nitrates sont ensilées, ces nitrates vont être transformés en monoxyde d’azote (NO) par les bactéries présentes dans l’ensilage. Au contact de l’air, ce gaz sera ensuite converti sous forme de dioxyde d’azote (NO2) et de tétraoxyde d’azote (N2O4). Comme le CO2, ces gaz sont plus lourds que l’air et se retrouvent à la surface des ensilages, à la base des silos et près des planchers.

Qu’arrive-t-il lorsqu’on respire ces gaz?

En présence d’humidité, comme dans les poumons, sur les yeux ou dans les cavités nasales, ces oxydes d’azote se transforment instantanément en acide nitrique, un composé très corrosif. Vous ne serez donc pas surpris si je vous dis que ces gaz sont extrêmement toxiques et dangereux. Même après une courte exposition, les personnes exposées subissent des brûlures chimiques qui peuvent se traduire par une diminution irréversible et importante de la capacité pulmonaire, entraînant parfois même la mort. Alors qu’une concentration dépassant 10 à 25 particules par million (ou ppm) peut être toxique pour l’humain, un silo peut facilement générer des concentrations atteignant plusieurs centaines de ppm!

Ces gaz dangereux peuvent persister durant plusieurs semaines dans le silo. En présence d’oxydes d’azote, il est possible de voir un brouillard rougeâtre. Les personnes exposées peuvent également percevoir une odeur d’eau de Javel ou ressentir un picotement des yeux ou du nez. Toutefois, il faut se rappeler que l’absence de ces signes ne veut pas nécessairement dire que ces gaz ne sont pas présents. En effet, les oxydes d’azote sont difficilement détectables à l’œil ou à l’odorat, même en concentrations dangereuses.

Plusieurs mesures préventives peuvent être mises en place pour assurer la sécurité des travailleurs lorsqu’ils entrent dans un silo-tour. Consultez l’article Des mesures de prévention qui sauvent des vies  pour connaître les recommandations .

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Par Jean-Philippe Laroche, agr., M. Sc.
La valorisation des fourrages par les ruminants est un sujet particulièrement passionnant pour Jean-Philippe, qui a grandi sur une ferme laitière. Diplômé en agronomie de l’Université Laval en 2018 et membre de l’Ordre des agronomes, il a également complété une maîtrise en sciences animales, durant laquelle il a reçu plusieurs distinctions.