Établir sa prairie avec la meilleure plante-abri

Semer une plante-abri dans sa prairie a de multiples avantages. Il peut toutefois être difficile de savoir quelle plante-abri est le meilleur choix pour sa ferme. Une récente étude québécoise vous aide à y voir plus clair.

Que ce soit pour obtenir une récolte de grains ou de fourrages, l’utilisation de plantes-abris représente une stratégie d’implantation de prairie très intéressante. En plus d’offrir un rendement supplémentaire l’année du semis, elles ont d’autres avantages non négligeables. Grâce à leur capacité à couvrir le sol rapidement en début de saison, ces plantes permettent entre autres de réduire l’érosion du sol. Elles permettent aussi de compétitionner les mauvaises herbes au moment de l’établissement, ce qui contribue à diminuer leur présence dans la prairie établie. 

L’objectif principal de la plante-abri est d’implanter une prairie en santé et productive pour les prochaines années. Pour y arriver, on doit commencer par choisir des espèces qui compétitionnent le moins possible avec la jeune prairie, que ce soit pour la lumière, l’eau, ou encore les éléments minéraux.

Établissement, rendements et qualité

Plusieurs options s’offrent à vous. Certaines espèces sont utilisées depuis longtemps, alors que d’autres font leur apparition graduelle dans les champs. Avec autant de choix, c’est parfois difficile de s’y retrouver. Heureusement, une équipe de l’Université McGill a coordonné un projet de recherche qui pourrait répondre à nos questions. L’étude a testé la performance de six plantes-abris différentes pour établir un mélange fourrager luzerne-fléole des prés. Les parcelles ont été implantées en 2019 et en 2020 sur trois sites représentatifs des conditions agroclimatiques du Québec (Sainte- Anne-de-Bellevue, Saint-Augustin-de- Desmaures et La Pocatière).

En regardant les résultats (voir le tableau 1), on constate que, l’année du semis, trois espèces de plantes-abris se sont démarquées pour améliorer le rendement fourrager tout en contrôlant les mauvaises herbes. Ce sont l’herbe du Soudan, l’avoine et le millet japonais. L’année suivant le semis, les trois mêmes plantes-abris ont eu un léger effet négatif sur le rendement de la prairie, mais l’effet a été plus important dans le cas de l’herbe du Soudan et du millet japonais. Lorsqu’on additionne l’année du semis et l’année postimplantation, l’avoine, l’herbe du Soudan et le millet japonais ont tous donné de bons résultats en matière de rendement. En matière de qualité, l’avoine s’est avérée supérieure à l’herbe du Soudan et au millet japonais.

Tableau 1. RENDEMENT MOYEN DE DIFFÉRENTS TYPES D’ÉTABLISSEMENT DE PRAIRIES DANS LES DEUX PREMIÈRES ANNÉES
 Rendement moyen excluant les mauvaises herbes (t MS/ha)
 Année 1*Année 2**Total
Sans plante-abri1,96,88,7
Trèfle d’Alexandrie2,05,97,9
Ray-grass annuel (d’Italie)1,86,38,1
Pois2,76,18,8
Millet japonais4,15,59,6
Herbe du Soudan5,05,010,0
Avoine4,45,910,3

*Moyennes de 5 années-sites, semis réalisé fin mai, début juin (selon la région)
**Moyennes de 3 années-sites
Adapté de St-Pierre-Lepage, Evaluation of annual companion crops for the establishment of perennial forages
in Québec
, 2021

Le pois a permis d’augmenter légèrement les rendements sans vraiment nuire à la qualité de l’implantation. Son principal avantage est sans aucun doute sa qualité, qui est supérieure à celle de l’avoine. Pour les autres espèces utilisées (trèfle d’Alexandrie et ray-grass annuel), les rendements ont été décevants. Les résultats, dans cette étude, ont été relativement constants selon l’année d’implantation ou le site.

Comment obtenir une implantation réussie avec votre plante-abri?

Le choix de la meilleure plante-abri dépend fortement
des objectifs de l’entreprise :

  • Rendements élevés : herbe du Soudan, avoine, avoine-pois ou millet japonais
  • Compromis rendement et qualité : avoine ou avoine-pois
  • Qualité élevée : pois ou avoine-pois

Les autres facteurs de réussite

Au-delà du choix de la plante-abri, il y a bien sûr d’autres éléments à considérer pour assurer le succès de son établissement. Premièrement, il faut suivre les bonnes pratiques de base du semis. Lit de semence, profondeur de semis et pH sont quelques exemples parmi les nombreux éléments à bien maîtriser. Ensuite, il faut minimiser le plus possible la compétition entre la plante-abri et la jeune prairie. La dose de semis de la plante-abri doit être revue à la baisse par rapport à un semis pur. Il faut aussi s’assurer de récolter le plus tôt possible la plante-abri afin de rapidement laisser la place à la jeune prairie.

Il est également important de semer le plus tôt possible pour profiter des bonnes conditions d’humidité au printemps. La date de semis devra aussi prendre en considération les besoins de la plante-abri sélectionnée. Finalement, il ne faut pas oublier d’ajuster la fertilisation pour que celle-ci réponde adéquatement aux besoins des deux cultures. Dans le cas des établissements à base de légumineuses, il faut éviter de surfertiliser en azote au semis afin de ne pas nuire au développement des nodules, qui vont plus tard fixer l’azote de l’air dans le sol.

Pratiques clés à respecter

  • Première étape : maîtriser les éléments de base
    d’un bon semis de plantes fourragères
  • Minimiser la compétition avec la jeune prairie
    • Ajuster la dose de semis de la plante-abri
    • Récolter la plante-abri le plus tôt possible
  • Semer le plus tôt possible tout en considérant
    les besoins de la plante-abri
  • Ajuster la fertilisation pour répondre aux besoins
    des deux cultures
  • Ne pas surfertiliser en azote les établissements
    à base de légumineuses

Des plantes-abris pour améliorer la résilience de son système fourrager

En contexte de changement climatique, les plantes-abris destinées à la récolte sous forme de fourrage permettent de diversifier le système fourrager d’une entreprise. C’est un aspect important à considérer pour la gestion du risque. Quand on ne met pas tous ses oeufs dans le même panier, on a moins de risque de tout perdre lorsqu’arrive un événement hors de notre contrôle. Pensons, par exemple, aux sécheresses de plus en plus fréquentes, ou aux hivers moins propices à la survie des légumineuses.

D’autres possibilités d’espèces

Bien que l’étude ne l’ait pas testé, l’utilisation d’un mélange avoine-pois est une autre stratégie intéressante. En effet, l’ajout de pois permet d’améliorer la qualité du fourrage, surtout concernant la teneur en protéines brutes. De plus, cela permet de réduire la quantité d’azote à utiliser pour la fertilisation, puisque le pois a la capacité de fixer l’azote atmosphérique. Il existe d’autres possibilités de plante-sabri. Par exemple, plusieurs producteurs réussissent bien à implanter leurs prairies dans une céréale d’automne, comme le seigle ou le triticale.

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Par Jean-Philippe Laroche, agr., M. Sc.
La valorisation des fourrages par les ruminants est un sujet particulièrement passionnant pour Jean-Philippe, qui a grandi sur une ferme laitière. Diplômé en agronomie de l’Université Laval en 2018 et membre de l’Ordre des agronomes, il a également complété une maîtrise en sciences animales, durant laquelle il a reçu plusieurs distinctions.