La marge alimentaire : un bon indicateur de suivi pour la rentabilité?
- 4 mai 2020
- Revue Le producteur de lait québécois
En affaire, ce n’est pas ce que ça coûte ou ce que ça rapporte qui compte, mais bien ce qui reste dans ses poches. Pas étonnant que le mot « marge » soit de plus en plus fréquent dans les discussions entre producteurs laitiers et intervenants.
Un chef d’entreprise n’a pas besoin de se faire rappeler l’importance de calculer sa marge. Non seulement il fait l’exercice régulièrement, mais il en profite pour comparer ses résultats avec ceux de l’industrie. L’idée n’est pas de se péter les bretelles, mais de vérifier qu’il ne prend pas de retard et de saisir des occasions pour s’améliorer. Une seule contrainte s’impose : comparer des pommes avec des pommes. C’est ici que ça se complique.
Choisir un indicateur simple et utile
On a tous déjà entendu parler de la marge sur le coût des concentrés, la marge sur le coût d’alimentation, la marge sur les charges variables…alouette! La différence entre toutes ces marges réside dans ce qu’on retient comme produits et comme charges dans le calcul. Plus on en met, meilleure est l’évaluation de la performance globale de l’entreprise.
Toutefois, ça implique pas mal de temps pour mettre chaque fois l’information à jour. On risque donc de se décourager et de laisser tomber en cours d’année. En limitant les informations requises, on réduit la complexité du travail, ce qui permet de refaire l’exercice régulièrement et de constater rapidement si la situation se dégrade. Il faut donc choisir un indicateur simple, mais qui transmet des signaux économiques utiles.
La marge sur le coût d'alimentation est liée aux coûts de production
La marge sur le coût d’alimentation des vaches correspond à ce qu’on cherche. En plus, comme l’essentiel des revenus de la ferme provient des ventes de lait et que l’alimentation correspond à 43 % du coût de production1, ça permet de garder l’oeil sur une part importante de ce qui forme la marge globale de l’entreprise.
Pour pouvoir comparer les troupeaux, il faut ramener ça sur une base unitaire. On parle de marge par hectolitre produit, par kg de matière grasse (MG) produit ou livré ou détenu (quota), par vache en lactation ou par vache présente (incluant taries).
Marge par kilo de gras ou par vache?
A-t-on vraiment besoin de calculer tous ces indicateurs pour bien gérer? Bien sûr que non. Alors, qu’est-ce qu’on garde? Et voici qu’on ouvre une boîte de Pandore : pour certains, il faut absolument parler de marge sur coût d’alimentation par kg de MG, car cela correspond au droit de produire de la ferme (quota). Pour d’autres, c’est le calcul par vache qui compte, le bénéfice par stalle faisant foi de l’efficacité de l’entreprise. Qui a raison?
J’ai posé la question à Agritel et la figure 1 montre ce que j’ai trouvé à partir des données 2018 de 488 fermes laitières spécialisées. Chaque petit losange bleu représente une entreprise et la ligne noire affiche la tendance. Sans être parfaitement liées, on voit que les deux marges évoluent dans le même sens : pas de contradictions, mais seulement des nuances dans l’interprétation des résultats. On peut même combiner les deux pour déterminer ses priorités d’action. Puisque ces indicateurs utilisent en grande partie la même information, c’est une formalité de calculer les deux résultats en même temps.
Ainsi, la ferme A présente une marge de 13 $/va/jour, mais seulement 10,40 $/kg de MG. En comparaison, un autre troupeau affiche 12,40 $ pour le même 13 $/va/jour. Le producteur de la Ferme A devra chercher un moyen pour diminuer son coût d’alimentation et augmenter la rentabilité de son quota.
À l’inverse, la ferme B présente une marge de 12,80 $/kg de MG, mais seulement 13,30 $/va/jour. D’autres troupeaux réussissent aussi bien au $/kg de MG tout en dépassant 15 $/va/jour. Dans ce cas, le producteur devrait analyser les pistes de solution pour augmenter la production de ses vaches afin d’améliorer la rentabilité de ses installations et de son personnel. Précisons que la ferme B devra acquérir du quota pour atteindre son objectif, alors que la ferme A n’a pas d’investissement à effectuer.
N'oublions pas le coût de production des fourrages
Même si c’est un bon début, une marge sur le coût d’alimentation élevée ne garantit pas que l’entreprise réalisera des profi ts en fin d’année. Comme les fourrages représentent 50 % des coûts d’alimentation du troupeau, un coût de production trop élevé dans le champ pourrait annuler les belles performances réalisées à l’étable. Il est donc important de s’arrêter chaque fin d’année pour calculer le coût de ses fourrages et, au besoin, entreprendre les actions nécessaires afi n d’améliorer son résultat. À défaut de connaître votre propre coût de production des fourrages, il est encore préférable de suivre la marge sur le coût d’alimentation en utilisant une valeur standard pour les fourrages de la ferme plutôt que de laisser tomber.
Saurez-vous relever le défi du calcul de la marge?
En regardant à nouveau la figure 1, on remarque de très grands écarts entre les meilleurs et les pires résultats, peu importe l’indicateur retenu. Si plus de producteurs s’attardaient à calculer leur marge régulièrement, il y a fort à parier que ces écarts diminueraient. Le défi est lancé!
Comment faire? Parlez-en à votre technicien ou conseiller Lactanet. Il dispose des outils nécessaires et il vous aidera à regrouper les informations requises. Ça vous permettra de maintenir votre suivi même durant ces mois où vos journées n’ont pas assez de 24 heures.
En somme, gardez votre marge à l’oeil, car elle est gage de votre rentabilité à la fin de l’année.
Ferme La Seigneurie enr.
« On a tout de suite vu des possibilités pour améliorer les choses. »
– Alexandre Laroche, Ferme La Seigneurie enr.
Alexandre Laroche exploite une ferme laitière avec son frère Maxime et ses parents à Saint-Camille, en Estrie. L’entreprise a acquis son premier robot de traite en 2008 et deux autres se sont ajoutés depuis. Même si les robots fournissent énormément d’informations, Alexandre se sentait démuni quand venait le temps d’évaluer si le troupeau dégageait un bénéfice à la hauteur de son potentiel.
« Ma conseillère financière me faisait remarquer, en fin d’année, que mes résultats étaient décevants, mais c’était trop tard pour agir », explique Alexandre Laroche.
Lors d’une visite à la ferme pour un projet de construction, la conseillère stratégique Annick Desjardins, agr., lui propose de calculer la marge sur le coût d’alimentation du troupeau pour le mois en cours.
« Ça m’a permis de savoir où j’en étais à ce moment précis, dit Alexandre. On a tout de suite vu des possibilités pour améliorer les choses. Maintenant, on fait le suivi aux six semaines. C’est l’idéal pour voir l’impact des changements qu’on fait à la ration et corriger lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous. Je ne m’occupais pas de ça avant, mais maintenant je note tous les changements par écrit pour mieux comprendre la variation de ma marge. »
Coût à la baisse et performances à la hausse
Lorsqu’Alexandre Laroche a fait l’exercice pour la première fois, son troupeau affichait une marge par vache et par kg de matière grasse inférieure à la moyenne. Depuis ce temps, la production de matière grasse par vache a légèrement augmenté, mais c’est surtout la baisse du coût d’alimentation de 1,36 $/kg de MG (4,85 $/hl) de l’automne dernier qui lui a permis d’augmenter sa marge. Un excellent départ pour quelqu’un qui cherche à améliorer la rentabilité de son entreprise.
1 Agritel (2018). Base de données de VIA Pôle d’expertise en services-conseils agricoles.