Le pouvoir des données et du numérique : en sommes-nous toujours conscients?

Le numérique s’infiltre de plus en plus dans nos vies et notre milieu professionnel, tels les systèmes de production à la ferme. Que faut-il savoir de toute cette information qu’il génère?

Pour Barbara Paquet, « Les producteurs devraient poser davantage de questions avant de partager leurs données. »

De nouvelles données s’ajoutent constamment, avec un potentiel accru de valorisation, pour aider à mieux gérer les entreprises et améliorer les processus de production. Pensons aux données sur les acides gras produites tous les deux jours et rendues disponibles depuis quelques mois grâce à la collaboration des Producteurs de lait du Québec et de Lactanet. Un exemple probant qui montre que la combinaison de deux sources de données est gagnante pour le producteur.

Cependant, le transfert et la valorisation des données soulèvent des problèmes importants, comme la gouvernance et la propriété des données, leur sécurité et bien entendu, la gestion des consentements pour leur utilisation. La sensibilité de tous à ce sujet s’est largement accrue durant la dernière année, avec la mise en évidence de fraudes reliées à l’utilisation de données des réseaux sociaux, ou carrément le vol de données dans le secteur financier, notamment. Malgré ce contexte, il faut continuer à valoriser les données issues des fermes laitières pour la compétitivité et le développement collectif du secteur laitier et pour l’atteinte d’une meilleure rentabilité à la ferme. Le tout en s’attardant au cadre juridique et de gouvernance pour que cela se fasse au profit des producteurs et non pas à leur dépend.

Une collaboration fructueuse

Plus d’un an s’est écoulé depuis la parution d’un article (avril 2019) sur la ferme laitière à l’ère du big data. Depuis, les 13 organisations membres du Comité stratégique sur le virage numérique de Lactanet ont exploré divers aspects du partage et de la gestion des données avec le soutien du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) en réalisant deux ateliers de discussion et deux sondages en ligne. Leurs travaux ont fait ressortir les craintes et les freins liés aux données, l’impact des technologies numériques dans les fermes québécoises, mais aussi les gains économiques potentiels pour le secteur laitier si ces données pouvaient être mises en commun de manière sécuritaire et confidentielle.

L’excellente collaboration entre les membres du Comité a permis d’établir les flux de données dans le secteur laitier québécois et toute sa complexité.

Le CIRANO a aussi produit un rapport d’étude exhaustif soulignant le fait que l’utilisation du numérique et des données massives pourrait avoir des retombées importantes non seulement pour les producteurs laitiers eux-mêmes, mais également pour tous les acteurs de la filière laitière, la recherche et même pour les consommateurs. Il indique cependant que le développement et l’utilisation des nouvelles technologies numériques doivent être accompagnés et encadrés, voire réglementés. L’étude a aussi soulevé des problèmes plus terre à terre et qui ne sont pas moins importants, comme l’accès aux technologies, les mises à jour et la maintenance des logiciels.

Les producteurs sont-ils conscients de l'importance de leurs données?

Barbara Paquet, copropriétaire de la Ferme Roquet inc. et présidente du Comité stratégique sur le virage numérique, explique :

« De manière générale, je ne crois pas que les producteurs sont très conscients des quantités de données qu’ils produisent. On ne connait pas non plus le chemin qu’elles prennent et où elles vont. Et lorsqu’on les utilise, comme le temps est compté, on vire toujours autour des mêmes données. Il faut dire qu’il y en a beaucoup et de plus en plus.

Prenons le contrôle laitier, c’est grâce aux données fournies, leur mise en commun et leur valorisation que notre production atteint aujourd’hui des sommets. Le progrès s’est fait à travers le partage des données. Chaque donnée compilée pour la mammite, pour la santé des onglons, pour la production nous revient sous une forme qui nous aide tous les jours à devenir meilleurs. Mais ça doit rester simple.

C’est en siégeant au comité que j’ai vraiment pris conscience des impacts et de la contribution de nos données à la recherche, au développement d’outils et à l’amélioration de notre production. La qualité des données fournies est importante. Est-on toujours conscient du devenir de nos données et de ce qu’on en fait? Je ne crois pas. On achète, on signe en bas du formulaire… ensuite, on ne sait plus trop. Toutes les données ne se monnayent pas, mais parfois les producteurs devraient poser des questions et dire non. Les producteurs ont confiance dans leurs institutions, mais d’un autre côté, ils devraient être prudents pour que leurs données soient utilisées pour les bonnes choses. »

La force du numérique

En mars 2020, il est advenu ce que presque personne n’anticipait : une pandémie. Toutes les activités ont grandement ralenti, mais il a été impressionnant de constater comment nous nous sommes adaptés pour respecter les consignes gouvernementales. Les échantillons générateurs de données et les données ont continué à être collectés, transférés et mis en valeur à distance. Le service-conseil a innové et s’est soudainement métamorphosé en séances téléphoniques ou vidéos pour garder le contact et soutenir les activités de la ferme. Nous avons dû collectivement nous adapter et le numérique a joué un grand rôle. Certaines choses ne se feront plus comme avant, et certainement que de nouvelles pratiques seront maintenues. Voilà un bel exemple de la force du numérique.

Pour alimenter la réflexion à venir

À partir du numéro d’octobre 2020, une série d’articles sur le virage numérique sera publiée pour sensibiliser les producteurs et leurs intervenants à l’importance des données. Parmi les thèmes traités : des résultats de l’étude du CIRANO concernant les enjeux et la complexité des échanges de données, la valorisation des données, les plateformes d’échange, l’importance des données pour l’innovation; des articles accompagnés d’entrevues avec des producteurs et des intervenants passionnés par les données seront aussi publiés. Ce sera un plaisir de vous retrouver.
Grâce à un financement obtenu par l’entremise du Programme de développement sectoriel, en vertu du Partenariat canadien pour l’agriculture, entente conclue entre les gouvernements du Canada et du Québec, Lactanet et les Producteurs de lait du Québec ont mandaté le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) afin d’établir le portrait des échanges de données pour le secteur laitier québécois, en plus d’analyser divers problèmes entourant la gestion des données ici et ailleurs dans le monde.
Grâce à un financement obtenu par l’entremise du Programme de développement sectoriel, en vertu du Partenariat canadien pour l’agriculture, entente conclue entre les gouvernements du Canada et du Québec, Lactanet et les Producteurs de lait du Québec ont mandaté le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) afin d’établir le portrait des échanges de données pour le secteur laitier québécois, en plus d’analyser divers problèmes entourant la gestion des données ici et ailleurs dans le monde.

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Par René Lacroix, ing., Ph.D.
René est un mordu de chiffres et adore faire parler les données! Détenteur d'un doctorat en génie agricole de l’Université McGill, René s’intéresse à l’adoption de nouvelles technologies de l’information pour valoriser davantage les données.
Par Anne-Marie Christen M. Sc.