Marchés du carbone et crédits carbone: principes de base
- 24 octobre 2024
On vous propose une série de trois articles pour démystifier les crédits et les marchés du carbone pour vous permettre de mieux naviguer ce nouvel environnement. Découvrez s’il est préférable pour votre entreprise de conserver ses propres certificats de crédits carbone ou d’en faire une nouvelle source de profits
Quelle est l’unité utilisée ?
L’unité utilisée pour déterminer les crédits sur les marchés est l’équivalent-CO2 (éq-CO2), la même que celle d’un bilan des émissions de GES. L’éq-CO2 est l’unité officielle qui permet de comparer et de calculer dans une même équation les différents GES, soit le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O), en tenant compte de leur pouvoir à affecter le climat (Figure 1). Sur les marchés du carbone, ce sont donc des quantités de GES calculées et exprimées en éq-CO2 qui sont transigées financièrement, après avoir appliqué le prix du marché en vigueur au moment de la transaction.
Pourquoi et comment les marchés du carbone ont été créés ?
Le grand principe de base des marchés du carbone est de permettre à une Entité A (qui peut, entre-autres, être une compagnie, une municipalité, un individu ou une association qui cherche à compenser ses émissions résiduelles de GES) d’acheter des certificats représentant une diminution d’une quantité spécifiée de GES détenus par une autre Entité B (une ferme laitière, par exemple). Pour que ces certificats existent, Entité B a dû, au préalable, mettre en œuvre des projets d’atténuation pour réduire ses émissions de GES ou pour améliorer les puits de GES et ce, soit entre deux points dans le temps ou par rapport à un scénario de référence. Ces quantités de GES atténués doivent ensuite être certifiés afin de pouvoir être vendus. Un marché du carbone est donc une bourse d’achat et de vente de certificats GES, aussi appelés « crédits carbone » (Figure 2).
L’aspect des certificats est très important pour plusieurs raisons. En effet, les atténuations réalisées par l’Entité B doivent d’abord être certifiées par un organisme accrédité. L’organisme s’assure qu’elles sont bien réelles et ont été calculées correctement selon des protocoles bien précis (p.ex. spécifiques à la digestion anaérobie ou à l’afforestation, pour reprendre les exemples B1 et B2 de la Figure 2) approuvés par des tierces parties indépendantes. Un registre des certificats permet ensuite d’assurer qu’ils sont chacun unique, et de tracer les transactions entre A et B pour qu’un crédit carbone ne soit revendiqué qu’une seule fois. Ainsi, dès que B met en vente un certificat, il ne peut plus revendiquer les crédits dans son propre bilan GES, et dès que A l’a acheté, le certificat disparaît du marché et seul lui peut s’accorder le crédit GES dans son bilan environnemental.
Marchés volontaires et marchés réglementés
Un peu comme à la bourse, il existe plusieurs marchés du carbone, comme par exemple les marchés réglementaires et les marchés volontaires.
Un marché réglementaire est régi par un gouvernement. Au Québec, il existe le SPEDE, ainsi que le STFR au niveau fédéral1. Son objectif est de réduire les émissions sur le territoire en ciblant les très grands émetteurs de GES (p.ex. les cimenteries, les alumineries, les raffineries), que le gouvernement soumet d’abord à un plafond annuel d’émission de GES. Les fermes laitières et les usines de transformation du lait ne sont pas assujetties par la loi à un plafond. Toutefois, un marché réglementaire comme celui du Québec ou du fédéral est ouvert à la compensation volontaire, et toute autre entité peut y participer, à condition que les crédits vendus viennent de projets d’atténuation encadrés par des protocoles reconnus par ces gouvernements, ce qui est très restrictif2.
Ce sont donc plutôt les marchés volontaires qui concernent le secteur laitier. Ces marchés ne sont pas encadrés par les gouvernements (p.ex. pour les protocoles, le prix de la « tonne carbone »). C’est plutôt une version beaucoup plus libérale, dont le fonctionnement n’est malheureusement pas toujours très bien contrôlé3. L’avantage est que bien plus de projets sont ouverts aux marchés volontaires. Ils permettent principalement à des organisations de réduire le bilan GES de leurs activités. Plusieurs de ces organisations, dont tous les principaux transformateurs laitiers, communiquent dorénavant ce bilan dans leur rapport annuel afin de faire valoir auprès de leurs clients et de leurs actionnaires leur engagement et leur responsabilité environnementale.
Depuis une dizaine d’années, ces organisations s’engagent à améliorer chaque année leur bilan, élargi aux émissions de GES de la chaîne de valeur4, et établissent des cibles de réduction à court et moyen termes. Ainsi, en plus de réduire les émissions de GES de leurs propres opérations et de supporter leurs fournisseurs à réduire les leurs, elles ont recours à l’achat de crédits compensatoires pour réduire leur bilan global, même si les atténuations de ces crédits n’ont malheureusement aucun rapport physique avec leur domaine d’activité, ni avec la chaîne de valeur de leurs produits.
Restez à l’affut pour l’article suivant afin d’en apprendre davantage sur la compensation intégrée, une façon de financer des projets qui sont en lien direct avec la chaîne de valeur d’une organisation.