Le profil en acide gras du lait : un nouvel outil à votre disposition

Toujours plus d’informations dans un échantillon, telle est notre devise! Après l’analyse des composants, de l’urée, des BHB, le test de gestation et la détection de certaines maladies (p. ex. leucose), voici le profil en acides gras du lait.

Cette nouvelle information reflète la santé ruminale des vaches et son interprétation permettra entre autres d’ajuster la ration ou les pratiques de gestion de l’alimentation dans le troupeau.

Les équipes d’Innovation et Développement et du laboratoire de Lactanet ont investi près de quatre ans à développer, raffiner, valider et standardiser la procédure d’analyse pour les profils d’acides gras du lait. Ces analyses sont déjà disponibles depuis environ deux ans dans certains laboratoires des États-Unis, mais comme ceux-ci utilisent des équipements différents, il était nécessaire d’adapter le procédé à nos analyseurs chez Lactanet. Pour ce faire, nous avons collaboré avec la compagnie Foss du Danemark qui fabrique ces instruments, afin d’optimiser les résultats et d’augmenter la précision et la rigueur des analyses.

De plus, le modèle américain présentait quelques imprécisions, nous avons donc profité de cette collaboration avec Foss et de la contribution de Rachel Gervais et Yvan Chouinard (nos deux Québécois experts sur les acides gras reconnus mondialement) pour raffiner les algorithmes de prédiction selon le métabolisme réel de la vache. 

Nous sommes donc fiers de pouvoir vous offrir un outil validé, rigoureux et sensible à ce qui se passe dans votre troupeau, combiné à des seuils de référence québécois qui aideront grandement à l’interprétation.

Figure 1. Corrélation entre les différents types d’acides gras (de novo, préformés et mixtes) et les composants du lait (gras et protéine)

On commence par le lait du réservoir

En première phase de déploiement, l’analyse des acides gras sera effectuée sur les échantillons de lait du réservoir, prélevés tous les deux jours, lors de la collecte du lait à la ferme. Les résultats seront disponibles à tous les producteurs du Québec, utilisateur de contrôle laitier ou non, qui adhèreront au service. Les résultats d’analyse seront disponibles sur le site de Lactanet, dans la zone sécurisée « Mon site ».

Sur le rapport interactif à l’écran, les producteurs pourront visualiser des graphiques illustrant les courbes des acides gras de novo, préformés, mixtes et polyinsaturés, de même que leurs composants de base. Pour chacune de ces analyses, des comparables seront affichés à l’écran afin de faciliter l’interprétation et le potentiel d’utilisation de ces informations. Pour les troupeaux au contrôle laitier, un comparable selon la race, le niveau de production et le type de stabulation sera affiché. En ce qui concerne les troupeaux pour lesquels ces informations ne sont pas disponibles dans la base de données Lactanet, chaque composant sera comparé à la moyenne provinciale. 

En parallèle, nous poursuivons les travaux de développement pour analyser les échantillons de lait de vaches individuelles (échantillons de contrôle laitier). Ces analyses permettront entre autres de raffiner l’interprétation de la santé ruminale, particulièrement pour les vaches en début de lactation, de même que le statut énergétique.

Un outil de gestion du troupeau unique au monde

Le profil d’acides gras du lait contient une mine d’informations pour vous aider à optimiser l’utilisation de la ration et le potentiel de votre troupeau. On en entend parler ailleurs dans le monde, mais nous sommes les premiers à l’offrir en continu tous les deux jours et à le lier à des données de performance et de démographie du contrôle laitier pour vous offrir des comparables de référence. C’est une information de plus dans l’échantillon de lait qui est déjà collecté et analysé dans nos laboratoires. Une innovation qui nous permet de vous appuyer dans la gestion plus précise de votre troupeau.

Comment interpréter les résultats

Il n’y a pas de seuil numérique idéal pour chaque type d’acides gras. Les valeurs pour un troupeau dépendent de la race des vaches, de l’alimentation, du niveau de production, de la saison et de plusieurs autres facteurs de gestion du troupeau ou environnementaux. Ainsi, la comparaison à d’autres troupeaux semblables est le meilleur indice pour savoir où on en est et pour s’assurer qu’on rencontre son potentiel. Le suivi dans le temps est donc un outil bien plus utile que les seuils fixes, et c’est là tout l’avantage d’avoir les résultats à tous les deux jours dans le lait de réservoir.

Favoriser les acides gras « de novo » pour augmenter les composants

Les acides gras de novo reflètent la santé ruminale. Le premier regard devrait donc se porter sur ce groupe d’acides gras. Un niveau de de novo élevés rassure sur la santé ruminale, mais suggère peut-être aussi qu’il est possible de « pousser » les vaches un peu plus et d’aller chercher un peu plus de lait.

Nos données québécoises confirment que ce sont les acides gras de novo (seuls ou combinés aux mixtes) qui ont la plus forte relation avec le gras et la protéine du lait (figure 1). Donc, tout ce qu’on peut faire pour favoriser la synthèse d’acides gras de novo aura un impact positif sur les composants. Minimiser le tri, assurer une bonne rumination en donnant suffisamment de fibre efficace, assurer un bon apport de protéine dégradable au rumen, favoriser la consommation de plusieurs repas dans la journée, tous ces éléments ont un impact positif sur les acides gras de novo

Les acides gras préformés, quant à eux, n’ont pas une relation très forte avec les composants, mais semblent bien refléter la consommation de matière sèche, et bien entendu l’ingestion d’acides gras totaux.

Finalement, les acides gras mixtes vont souvent suivre les de novo (et donc indiquer une synthèse dans la glande mammaire) ou seront grandement augmentés lorsqu’on ajoute un aliment riche en huile de palme.

Et si les de novo sont bas, on fait quoi?

Si les de novo sont bas, le rumen ne fonctionne pas de manière optimale. Soit il est en acidose (dans ce cas, les polyinsaturés seront élevés, car la biohydrogénation se fait difficilement), soit il manque de nutriments (d’amidon digestible au rumen ou de protéine dégradable; dans ce cas, les polyinsaturés sont habituellement normaux ou bas). Une simple validation avec l’urée du réservoir peut confirmer lequel des deux nutriments est en déficit.

À l'échelle du troupeau, à quoi ça peut bien servir?

Le profil d’acides gras du lait de réservoir tous les deux jours est un outil utile, d’abord pour évaluer la santé ruminale du troupeau, mais aussi pour assurer la meilleure utilisation de la ration. Par exemple, chez des troupeaux qui affichent des taux de gras plus faibles que la moyenne (environ 3,6 à 3,8 kg/hl), il est possible de vérifier si les vaches sont en légère acidose ruminale (comme c’est fréquemment le cas à ces taux-là). Dans le cas contraire, on pourrait suspecter un manque de nutriments disponibles au rumen, ce qui nuit également au bon fonctionnement ruminal, et donc à la synthèse d’acides gras de novo.

De plus, si on fait un changement de ration alimentaire ou si on y ajoute un additif à certaines périodes de l’année (p. ex. huile de palme), il est possible d’observer un impact rapidement et d’évaluer le métabolisme même si le gras total ne semble pas avoir tant changé. L’interprétation du profil d’acides gras se fait en lien avec les composants de base (gras, protéine et urée) et en tenant compte des évènements qui se produisent dans le troupeau (p. ex. plusieurs vêlages rapprochés).

À court terme, visualiser son rapport sur le site Lactanet régulièrement (1 x/semaine) quand tout va bien et plus fréquemment (tous les 2 jours) en cas de situation problématique ou de changements de ration/pratique semble être une bonne stratégie. Éventuellement, votre rapport pourrait générer des alertes pour informer le producteur lorsque les résultats indiquent un changement dans le troupeau.

Comment tirer le maximum de ce nouvel outil?

En plus du soutien d’un conseiller Lactanet, des notes précises et un suivi rigoureux des changements alimentaires ou de pratiques apportées au troupeau sont les meilleurs alliés pour tirer plein profit de ce nouvel outil. Le profil d’acides gras détecte beaucoup de petits « incidents » qui semblent anodins : un changement de fourrage passé inaperçu, quelques vaches en trop dans le groupe des fortes productrices, une erreur dans le mélangeur un matin pressé, une ration sur papier qui semblait pourtant parfaite, etc.

L’interprétation des résultats peut sembler complexe au premier abord. Pour tirer le meilleur de ce nouvel outil, n’hésitez pas à demander l’aide d’un conseiller Lactanet.

Petit retour sur les acides gras importants du lait…

Le lait contient environ 400 acides gras différents, mais la majorité s’y trouve en concentrations extrêmement faibles. Seulement une dizaine d’entre eux sont en proportion importante. Ces acides gras principaux sont détectables avec une analyse infrarouge, donc en même temps que l’analyse régulière du lait (gras, protéine, urée, lactose, CCS…) pour le contrôle laitier ou l’échantillon de paiement. En six secondes, il est maintenant possible d’obtenir la composition complète d’un échantillon de lait, incluant les acides gras principaux :

• ACIDES GRAS DE NOVO : reflètent la santé ruminale. Ces acides gras à chaine courte (14 carbones et moins) sont synthétisés dans la glande mammaire à partir du butyrate et de l’acétate, deux acides gras volatiles issus de la fermentation ruminale.

• ACIDES GRAS MIXTES : proviennent à 50 % de la synthèse dans la glande mammaire, et à 50 % des réserves corporelles ou de l’alimentation. Ils contiennent tous 16 carbones. Les acides gras mixtes vont augmenter si on ajoute des produits à base d’huile de palme, par exemple.

• ACIDES GRAS PRÉFORMÉS : ce sont des acides gras à chaine longue (les acides gras à 15 carbones et ceux de 17 carbones et plus) qui reflètent l’ingestion de gras (gras des fourrages, du maïs, des concentrés, du soya…) ou encore la mobilisation de réserves corporelles (particulièrement élevés chez les vaches en début de lactation).

• ACIDES GRAS POLYINSATURÉS : les acides gras des fourrages et concentrés contiennent principalement des acides gras avec plusieurs doubles liens dans leur structure. Ce sont des acides gras polyinsaturés. Ces acides gras ont des propriétés antimicrobiennes et sont donc « toxiques » pour le rumen. Les bactéries ruminales se sont adaptées et ont développé un mécanisme de défense pour modifier ces acides gras en les transformant graduellement en acides gras saturés (avec aucun double lien) qui peuvent être plus facilement intégrés à leurs membranes cellulaires. Ce processus s’appelle la « biohydrogénation » et est lié à un bon fonctionnement ruminal. Si les bactéries ruminales travaillent bien, certains acides gras polyinsaturés apparaissent dans le lait, mais à des niveaux acceptables. Si la concentration d’acides gras polyinsaturés se met à augmenter, c’est qu’il y a probablement eu augmentation de la quantité de polyinsaturés à être ingérés (donc changement de fourrages, ajout de fève de soya, ajout de graine de lin) ou alors le rumen s’est mis à moins bien fonctionner (dans le cas d’une acidose ruminale, par exemple).

Ce projet est financé par l’entremise du programme Innov’Action agroalimentaire, en vertu du Partenariat canadien pour l’agriculture, entente conclue entre les gouvernements du Canada et du Québec.

 
 

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Par Débora Santschi, agr., Ph. D.
Avec ses talents de vulgarisatrice et sa passion de la production laitière, Débora est une conférencière fort convoitée, tant au Québec qu'à l'échelle internationale. Parallèlement à son rôle de directrice de l’équipe ID chez Lactanet, elle est professeure associée aux départements des sciences animales des universités McGill, Laval, Manitoba ainsi que de la Faculté de médecine vétérinaire (Université de Montréal).